Le tribunal de Paris se prononce lundi matin sur le sort du président du MoDem, François Bayrou, ainsi que sur celui de dix cadres et élus centristes dans l'affaire des assistants parlementaires européens. Le triple candidat à la présidentielle, 72 ans, qui a comparu du 16 octobre au 21 novembre 2023, a précisé qu'il serait présent pour le prononcé de la décision à partir de 10H00 par le président de la 11e chambre correctionnelle.
30 mois d'emprisonnement avec sursis requis contre François Bayrou
Estimant qu'il est coupable de faits portant "atteinte aux valeurs de probité et d'exemplarité qu'il promeut", le parquet a requis contre lui 30 mois d'emprisonnement avec sursis, 70.000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité avec sursis, pour complicité, par instigation, de détournement de fonds publics européens.
Le Haut-commissaire au Plan, proche du président de la République Emmanuel Macron, est soupçonné d'avoir été le "décideur principal" d'un "système frauduleux" ayant consisté, entre 2005 et 2017, à utiliser des fonds européens pour rémunérer des assistants parlementaires qui travaillaient en réalité pour les organisations centristes en France. En cause : 11 contrats litigieux, pour un préjudice total de 293.000 euros selon le Parlement européen, partie civile. Des accusations que François Bayrou a toujours vivement contestées.
À la barre, il avait dénoncé une "intoxication" judiciaire, réfutant longuement l'existence d'un quelconque "système" au bénéfice de son parti. Parmi les autres prévenus figurent l'ex-garde des Sceaux Michel Mercier, 76 ans, cinq anciens eurodéputés dont Jean-Luc Bennahmias, 69 ans, trois cadres et un assistant parlementaire de l'époque. L'accusation a réclamé à leur encontre des peines allant de huit à 20 mois de prison avec sursis et des amendes entre 10.000 et 30.000 euros, assorties de peines d'inéligibilité, là aussi avec sursis.
Les deux structures partisanes sont aussi poursuivies : des amendes de 300.000 euros dont 100.000 ferme et de 500.000 euros dont 200.000 ferme ont été demandées respectivement pour l'UDF et le MoDem. Leurs conseils ont plaidé la relaxe, dépeignant un dossier qui n'a fait que se déliter au fil des années (le préjudice a un temps été estimé à 1,4 million d'euros) et qui ne contiendrait que des documents "sujet à interprétation", sans "aucune preuve".
Une affaire qui contrarie les plans du président du MoDem
Le jugement doit intervenir alors que des nominations gouvernementales pourraient être annoncées "lundi ou mardi", selon un conseiller de l'exécutif, qui a cependant qualifié de "rumeurs" l'hypothèse, entre autres, que le chef du MoDem en fasse partie.
Dans l'attente de cette décision aux lourds enjeux politiques pour lui, François Bayrou se fait néanmoins particulièrement discret. Et ce alors qu'il est en désaccord certain tant sur le choix de Gabriel Attal pour Matignon que de la composition trop "RPR" du gouvernement.
Cette affaire a complètement contrarié les plans du président du MoDem, dont l'offre d'alliance a contribué à l'élection d'Emmanuel Macron. En 2017, de retour au gouvernement pour la première fois depuis vingt ans, il avait quitté la place Vendôme au bout d'un mois, juste après l'ouverture de l'enquête.
Depuis, la doctrine de Macron a sensiblement évolué : des ministres ont pu rester en poste jusqu'à la tenue de leur procès. Jugé pour prise illégale d'intérêts, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a été relaxé le 29 novembre, une décision définitive. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a comparu pour favoritisme : il a été débarqué lors du remaniement juste avant la décision qui l'a relaxé le 17 janvier. Le parquet financier a cependant fait appel.
L'enquête sur le MoDem avait été ouverte à la suite du signalement d'une eurodéputée d'extrême droite, Sophie Montel, en réponse à celle visant à l'époque le FN, parti que Mme Montel a ensuite quitté. Dans ce dossier, Marine Le Pen a été renvoyée devant la justice en décembre, aux côtés de son père, de son parti et de nombreux cadres. Ils seront jugés à l'automne 2024 pour des soupçons de détournements à hauteur de 6,8 millions d'euros entre 2009 et 2017.