L'idée n'est pas nouvelle et revient à intervalles réguliers dans le débat public et les éléments de langage de la droite. Les attaques de Trèbes et Carcassonne ont donné une énième occasion aux Républicains de réclamer des sanctions contre les fichés S pour liens avec le terrorisme. Et ce, avant qu'ils ne passent éventuellement à l'acte.
"Faisons une loi d'exception". De fait, Radouane Lakdim, l'auteur de ces attaques, était un franco-marocain de 25 ans fiché S depuis 2014. Or, depuis des années, Laurent Wauquiez réclame l'internement des fichés S pour terrorisme. Ce que Geoffroy Didier, secrétaire général délégué de LR, s'est empressé de rappeler dimanche sur Radio J. "Faisons la loi d'exception. Je demande qu'on mette ces personnes considérées comme dangereuses par les services de renseignement hors d'état de nuire", a-t-il déclaré. "Si Emmanuel Macron avait suivi cette proposition constante de Laurent Wauquiez, ce qui s'est passé vendredi n'aurait pas eu lieu."
Expulsions. Sur Twitter, Laurent Wauquiez a d'ailleurs repris un tweet des Républicains faisant allusion à cette proposition. Mais le patron des Républicains devrait véritablement lâcher ses coups sur le sujet lundi, à l'occasion d'une conférence de presse convoquée à 10 heures. Il entend notamment réclamer l'internement des fichés S les plus dangereux.
Toujours sur Twitter, Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône, a estimé qu'"un étranger condamné ou faisant l'objet d'une fiche S ne doit pas accéder à la nationalité française et doit être immédiatement expulsé". Ce qui, en l'occurrence, n'aurait eu aucun effet puisque Radouane Lakdim avait été naturalisé en 2004, à l'âge de 12 ans, au moment où son père avait lui-même accédé à la nationalité française. Avant, donc, toute trace de radicalisation ou de comportement délictuel de sa part.
Un étranger condamné ou faisant l'objet d'une fiche S ne doit pas accéder à la nationalité française et doit être immédiatement expulsé. J'ai déposé un amendement en ce sens dans le #PJLimmigration. Les Français ne peuvent plus supporter de telles incohérences. Agissons ! #Trèbes
— Valérie Boyer (@valerieboyer13) 24 mars 2018
"Ouvrir le débat". Pas trop tôt, non plus, pour le député Julien Aubert. "Il faut ouvrir un grand débat national", martèle-t-il sur Europe 1. "Combien de fois a-t-on discuté de ces fichés S dont on voit bien qu'ils sont dans la nature ? Qu'il y a plus de 9.000 noms dans ce fichier et que le nombre d'expulsions et de sanctions est assez limité ?" Et l'élu du Vaucluse de fustiger la "politique naïve et parfois laxiste" de l'exécutif.
Du côté des militants, l'idée de sanctionner les fichés S préventivement a beaucoup de succès. "Il faut essayer de faire évoluer les choses", estime Nicolas, adhérent parisien. "La France n'a pas décidé de mettre en prison tous ceux qui sont menaçants. C'est ce qu'on faisait autrefois, c'est ce qu'on ne fait plus aujourd'hui", regrette Pascal de son côté.
Une mesure anticonstitutionnelle. Face aux demandes répétées de la droite, les opposants à ces mesures punitives à l'encontre des fichés S répètent inlassablement les mêmes arguments. D'abord, l'internement préventif des radicalisés est anticonstitutionnel. Interrogé par l'exécutif sur le sujet en 2015, après les attentats du 13-Novembre, le Conseil d'État a rappelé dans un avis consultatif qu'il n'est "pas possible d'autoriser par la loi, en dehors de toute procédure pénale, la rétention, dans des centres prévus à cet effet, des personnes radicalisées". "Si demain vous dites que tous les fichés S sont en prison, vous violez tous les fondamentaux du droit", a martelé le patron de LREM, Christophe Castaner, sur Europe 1 dimanche. Même chose pour une expulsion des fichés S étrangers : il faut "une cause juridique pour expulser".
Dénaturer le fichier S. Sans compter, a poursuivi Christophe Castaner, que cela dénaturerait le fichier S. "C'est un outil. Être fiché S, ce n'est pas être condamné. Cela peut être vous, ou moi, pour un comportement anormal. Le jour où vous en ferez une mesure privative de liberté, [le fichier S] perdra toute efficacité."
Manuel Valls franchit une ligne. De son côté, Manuel Valls a réclamé dimanche sur BFMTV l'interdiction du salafisme en France. "Les idées salafistes, les mots salafistes ont gagné la bataille idéologique au sein de l'islam. […] Nos adversaires, ce sont les salafistes, les Frères musulmans, l’islam politique", a-t-il déclaré tout en reconnaissant qu'il serait "extrêmement difficile" d'appliquer une telle mesure. Mais surtout, le député de l'Essonne évoque l'hypothèse d'un internement préventif. "Il peut y avoir, regardons ça de près, [de] la rétention administrative pour ceux dont on considère qu'ils représentent un danger, évidemment sous l'autorité du juge". Jamais encore l'ancien Premier ministre n'avait été si loin. Désormais apparenté à la majorité, Manuel Valls, avec de telles déclarations, pousse implicitement le président à se positionner.
Attaques de l'Aude : Radouane Lakdim était sous surveillance mais...