Un poste harassant, où l'on prend sans cesse des coups, mais où l'on côtoie le pouvoir politique au plus haut niveau pour tenter de faire passer ses idées. Beaucoup en rêvent, et c'est aujourd'hui Pierre Gattaz qui occupe cette place de président du Medef (Mouvement des entreprises de France). Mais l'homme de 58 ans arrive l'année prochaine au terme de son mandat, débuté en 2013. Et sa succession se profile comme un feuilleton.
Sénard, favori pour beaucoup. Pour lui succéder, beaucoup de patrons verraient bien Jean-Dominique Sénard, PDG de Michelin. Fin août dernier, ce grand bonhomme filiforme aux yeux bleus souriants a eu droit à de très longs applaudissements à l'université d'été du Medef lorsqu'il a développé sa vision des entreprises et du patronat. Du côté des patrons, il coche toutes les cases : chef d'un grand groupe français de dimension mondiale qui, pour autant, maintient son ancrage industriel dans l'Hexagone. Il est aussi très en pointe dans la défense de la compétitivité des entreprises et déterminé à moderniser le modèle social français.
Tout ça, évidemment, ravit une multitude de chefs d'entreprises. Y compris de PME, qui pensent qu'après Pierre Gattaz, dont le charme s'est émoussé avec le temps et suite à certaines sorties maladroites, il faut quelqu'un comme Jean-Dominique Sénard, plus réfléchi et plus stratège, pour incarner le Medef. Même chez les syndicats, on lui trouve des qualités : "C'est un homme qui a beaucoup de convictions, notamment sur le dialogue social. Chez Michelin, on est rentrés dans une ère d'écoute et d'échange. On n'est pas toujours d'accord mais il a toujours tenté de trouver un compromis avec nous, pour que l'entreprise gagne en compétitivité tout en permettant aux salariés d'être gagnants", reconnaît Patrick Bovolenta, jusqu'il y a peu délégué central CFDT dans le groupe auvergnat. Et à l'Elysée aussi, son profil plairait.
Le délicat problème de l'âge. Seul hic, Jean-Dominique Sénard aura 65 ans le 7 mars prochain. Or, les statuts du Medef sont très clairs : pour être président, il ne faut pas être âgé de plus de 65 ans le jour de l'élection. Et le scrutin est prévue pour juillet 2018, au terme du mandat de Pierre Gattaz. Au siège du Medef, à Paris, on s'interroge donc depuis quelques semaines. Peut-on "tordre" un peu l'interprétation des statuts pour permettre au patron de Michelin de concourir ?
D'après nos informations, les sages missionnés pour plancher sur la question écartent cette voie qui fait trop "tripatouillage". Faut-il alors que Pierre Gattaz démissionne avant le 7 mars pour libérer la voie ? Le président du Medef a pourtant prévenu : pas question de raccrocher avant la fin de son mandat en juillet. Il ne reste donc qu'une possibilité : faire un changement en bonne et due forme des statuts pour repousser l'âge limite de candidature. Là, ce n'est pas gagné car il faut un vote aux deux tiers de l'assemblée générale du Medef. Les instances du Medef prendront-elles ce risque à 7 mois du changement de président ? Réponse ce lundi lors du conseil exécutif.
Deux autres patrons sur les rangs. Dans ces manœuvres, on oublierait presque qu'il y deux autres candidats à cette élection interne. Tous deux sont aujourd'hui vice-présidents du Medef, Alexandre Saubot et Geoffroy Roux-de-Bézieux, déjà candidat lors de la précédente élection. Ils ont pour eux l'avantage de l'âge, avec respectivement 52 et 55 ans. Moins âgés, certes, mais pas moins ambitieux.