Barnier à Matignon, déjà au défi de composer son gouvernement

Michel Barnier
Chargé par le président de la République de "constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays", le Savoyard de 73 ans se sait déjà en sursis et va devoir trouver les bons équilibres © STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP
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avec AFP / crédit photo : STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP
Michel Barnier, le nouveau Premier ministre fraichement désigné par Emmanuel Macron a pour mission de constituer un gouvernement. Il assure vouloir former un gouvernement qui "rassemble et respecte tout le monde" et appelle à "du respect à l'égard de toutes les forces politiques représentées" au Parlement. 

Tout juste nommé à Matignon, où il a promis "des changements et des ruptures", le nouveau Premier ministre Michel Barnier doit désormais s'atteler à composer un gouvernement susceptible de démontrer sa capacité à rassembler et à s'émanciper d'Emmanuel Macron. Et maintenant, "au travail". Le poncif qui conclut tous les discours de passation de pouvoirs avait des allures de défi pour Michel Barnier jeudi dans la cour de Matignon.

Chargé par le président de la République de "constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays", le Savoyard de 73 ans se sait déjà en sursis et va devoir trouver les bons équilibres pour ne pas tomber à la première motion de censure. Dès vendredi matin, il a reçu à son prédécesseur Gabriel Attal, président du groupe macroniste Ensemble pour la République (EPR) à l'Assemblée, puis  les dirigeants de son propre parti, Les Républicains (LR), pour examiner les conditions d'une participation à sa future équipe.

"Certaines personnalités de gauche" ont également été contactées et d'autres échanges devaient suivre, y compris avec la France insoumise et le Rassemblement national, car "il veut rassembler et respecter tout le monde". Le nouveau Premier ministre a lui-même tendu des perches dès sa première prise de parole: "Il faudra beaucoup d'écoute" et "du respect à l'égard de toutes les forces politiques qui sont représentées" au Parlement. Car de son point de vue, "le sectarisme est une preuve de faiblesse, quand on est sectaire c'est qu'on n'est pas sûr de ses idées".

Les siennes restent encore à préciser. Tout juste a-t-il assuré que "l'école restera la priorité du gouvernement", de même que d'autres chantiers dont "l'accès aux services publics", "la sécurité au quotidien", "la maîtrise de l'immigration", ou encore le travail et le pouvoir d'achat. Une feuille de route a priori consensuelle, même si Michel Barnier a promis "des changements et des ruptures" et laissé augurer de choix difficiles avec la volonté affichée de "dire la vérité" sur "la dette financière et écologique".

 

"Engager le dialogue"

Reste à voir qui acceptera de monter à bord. Pas la gauche en tout cas. "Aucune personnalité du PS ne sera dans son gouvernement, je n'ai aucun doute là dessus", a assuré Olivier Faure. Il a confirmé que la gauche déposera une motion de censure car "le choix qui a été fait par le chef de l'Etat, c'est de se mettre au barycentre des droites et de l'extrême droite", ce qui est "une trahison démocratique" par rapport au résultat des législatives.

Le RN ne votera pas cette censure sauf si "le Premier ministre s'éloignait dans son discours de politique générale terriblement de nos attentes" sur le pouvoir d'achat, l'immigration, l'insécurité ou l'instauration de la proportionnelle, selon Sébastien Chenu. "Nous allons le traiter comme un adversaire politique, mais sans faire basculer le pays dans le chaos", a-t-il dit sur France info. 

Restent donc les membres de l'ex-majorité, qui seront "nombreux à aider" le nouveau Premier ministre, selon l'un de ses prédécesseurs Edouard Philippe. Pas vraiment idéal toutefois pour incarner les "ruptures" annoncées. Michel Barnier, toujours membre des Républicains (LR), peut également compter sur sa famille politique. "C'est quelqu'un de chez nous, on va pouvoir engager le dialogue facilement avec lui", se réjouit la secrétaire générale du parti de droite, Annie Genevard.

Les députés du groupe centriste Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires) font aussi montre de bonnes dispositions à l'égard de ce "politique avec une expérience forte" qui "correspond en partie au profil" qu'ils souhaitaient, sous réserve que "la composition du futur gouvernement et (ses) orientations marquent un changement de méthodes et de cap". Le nouveau locataire de Matignon a ses propres critères. "Il veut des ministres solides, compétents et efficaces", indique son entourage, et "il aura la liberté" de les choisir. Tout comme pour son directeur de cabinet, poste éminemment stratégique: "Ce sera Michel Barnier seul et lui-même qui le décidera".

Les deux hommes se retrouveront vendredi midi à l'Elysée pour discuter du casting du gouvernement qui devra boucler un budget 2025 à hauts risques. Et inventer une relation inédite, non pas de cohabitation mais de "coexistence exigeante", selon l'entourage du président.