"C'est une décision entre moi et moi." Mardi matin, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, a claqué la porte du gouvernement. La démission de celui qui était numéro deux dans l'ordre protocolaire avait maintes fois été évoquée par la presse ces derniers mois. Lui-même avait sous-entendu qu'il pourrait partir, évoquant la date butoir de "l'été" pour examiner les "conditions" de sa présence au gouvernement. "Si je sens qu'on n'avance pas", prévenait-il en mai dernier, "voire éventuellement qu'on régresse, j'en tirerai les leçons."
Voilà donc les leçons tirées, après des semaines de déceptions et d'échecs sur les arbitrages gouvernementaux, émaillés çà et là de petites victoires. Si Nicolas Hulot a indiqué, mardi sur France Inter, que c'était bien les dernières mesures sur la chasse qui l'avaient décidé à partir, le malaise est en réalité plus profond.
La goutte d'eau : les mesures en faveur des chasseurs
"J'ai pris cette décision [lundi] soir", a indiqué Nicolas Hulot mardi. Date à laquelle le gouvernement a organisé une réunion à l'Élysée avec les représentants des chasseurs. "J'ai découvert la présence d'un lobbyiste qui n'était pas invité à cette réunion. C'est symptomatique de la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir. Il faut poser ce sujet sur la table, c'est un problème de démocratie."
Le lobbyiste en question, c'est Thierry Coste, 62 ans, conseiller de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et patron d'un cabinet de lobbying. Après cette réunion à l'Élysée, Emmanuel Macron a exprimé son soutien à la pratique de la chasse et donné son accord pour baisser le prix du permis national de 400 à 200 euros. Par ailleurs, l'exécutif a accepté de mener une réflexion sur la "gestion adaptative des espèces" chassables, ce qui pourrait, à terme, permettre d'inclure plus d'animaux sur la liste. La "décision cynique et minable de trop" pour Nicolas Hulot, estime l'eurodéputé EELV Yannick Jadot, joint par Europe 1.
Pourtant, cette version est contredite par la FNC. Sur Twitter, la fédération s'est dite "surprise" de la décision de Nicolas Hulot qui "avait validé toutes les réformes" de la chasse.
Nous sommes surpris que @NicolasHullot ait pris pour prétexte la rencontre d’hier avec @EmmanuelMacron pour démissionner. Il avait validé toutes les réformes. Ce n’est pas pour autant une mauvaise nouvelle. Il n’a jamais été l’ami des écologistes de terrain. #demissionhulotpic.twitter.com/bknMgxIHWd
— Chasseurs de France (@ChasseursFrance) 28 août 2018
Une longue série de désillusions
Quoi qu'il en soit, le ministre démissionnaire a précisé qu'il avait "mûri [sa décision] cet été". Preuve que si les cadeaux de l'exécutif aux chasseurs ont pu lui déplaire, ils ne sont pas la seule cause de son départ. En 15 mois au ministère de la Transition écologique, Nicolas Hulot a subi bien des revers. Sur le glyphosate, par exemple, avec d'abord la prolongation pour cinq ans de la licence de cet herbicide par l'Union européenne en novembre, puis le rejet d'un amendement visant à inscrire noir sur blanc dans la loi son interdiction d'ici à trois ans.
Sur le nucléaire aussi, Nicolas Hulot avait été contraint de reculer, repoussant l'objectif de réduction de la part d'électricité d'origine nucléaire à 50% en 2050, et non 2025. Le ministre avait également boycotté la cérémonie de clôture des États généraux de l'Alimentation, estimant que "le compte n'y est pas" en termes de transition vers une agriculture plus saine et plus durable.
Toutes ces couleuvres ont indéniablement compté dans la décision de Nicolas Hulot, qui semblait mardi matin relever d'un effet d'accumulation devenu insupportable. "Est-ce que nous avons commencé à réduire l'utilisation des pesticides ? Est-ce que nous avons commencé à enrayer l'érosion de la biodiversité ? Est-ce que nous avons commencé à nous mettre en situation d'arrêter l'artificialisation des sols ? La réponse est non", a asséné l'ex-ministre sur France Inter. "Je ne veux plus me mentir, je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là."
Pour Yannick Jadot, c'est en "voyant à quel point il perdait les arbitrages" que Nicolas Hulot a "tiré la seule conclusion possible" : une démission.
Des raisons plus personnelles
Mardi matin, Nicolas Hulot est apparu les traits tirés sur la vidéo de France Inter. Le visage parsemé de tics, l'ancien ministre a évoqué des raisons plus personnelles à son départ, notamment sa crainte de plonger dans le "cynisme". "Je me suis surpris parfois par lassitude à baisser les bras. Et à baisser mon seuil d'exigence. Là je me suis dit que c'était le moment d'arrêter", a-t-il expliqué.
Celui qu'on avait souvent dit fatigué, las, durement frappé aussi par les révélations, en février dernier, d'une ancienne plainte pour viol déposée contre lui puis classée sans suite, a reconnu n'avoir "peut-être" pas les épaules pour être ministre. Et a confié s'être senti très isolé à son poste. "Qui serait à la hauteur tout seul ? Où sont mes troupes ?"