L’expression a été abondamment utilisée depuis le début du quinquennat. La République en marche est censée marchée sur deux jambes, l’une de droite, l’autre de gauche. Or, pour certains, le parti majoritaire a tendance à boiter. Les réformes qui ont été adoptées sont de tendance libérale, alors que la fibre sociale a été un tantinet oubliée. Alors l’aile gauche de LREM semble décidée à s’organiser. Une trentaine de députés sont décidés à se structurer afin de tirer le parti vers la gauche. Et ce dès le séminaire de rentrée des parlementaires en marche, lundi et mardi à l’Assemblée nationale. Avec, tout de même, toutes les précautions d’usage. Car nul n’a oublié que le dernier quinquennat a été marqué par les frondeurs du PS.
Brigitte Bourguignon, fer de lance
S’il fallait un leader à cette aile gauche, ce serait elle : Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des Affaires sociales, ancienne députée socialiste, porte depuis de longues semaines les aspirations sociales d’une partie de la majorité. "Je mets simplement en garde contre le risque d'un déséquilibre", disait-elle dès septembre 2017 à Europe1.fr. "Nous avons deux objectifs : libérer les énergies et protéger les individus. L'un ne peut aller sans l'autre."
Elle ne dit pas autre chose aujourd’hui. "Nous devons représenter deux jambes et pas seulement une. Moi, je veux que la jambe sociale se fortifie et se muscle pour avoir une politique équilibrée", affirmait Brigitte Bourguignon samedi dans Le Monde. La députée compte ainsi mettre l'accent, en dehors des questions économiques ou de l'immigration, sur la petite enfance, ou sur les question de dépendance.
La constitution d’un groupe évoquée… puis démentie
L’élue du Pas-de-Calais est donc à la manœuvre pour constituer une entité au sein de la majorité, avec un certain succès. Fin novembre, ils étaient une quinzaine. On dénombre désormais une trentaine de députés qui se réunissent désormais tous les mercredis. Des anciens socialistes, pour la majorité d’entre eux, tels que Jean-Louis Touraine, Françoise Dumas, Yves Daniel ou Catherine Osson. Une élue MoDem, Sarah El Haïry, est aussi de la partie, comme la primo-députée Sonia Krimi, dont la question très critique au ministre de l’Intérieur Gérard Collomb le 19 décembre à l'Assemblée sur l'accueil des migrants avait fait grand bruit.
Figure aussi dans ce groupe Jean-Michel Clément, ancien député socialiste devenu macroniste, qui envisageait même d’aller plus loin. Selon Centre Presse et La Nouvelle République, l’élu de la Vienne évoquait la création d’un groupe parlementaire à part. "Il y a des propositions très nuancées au sein de la majorité et nous voulons peser sur un certain nombre de projets. Ça finira inéluctablement par la création d'un groupe parlementaire", expliquait-il le 8 janvier dernier. L’emploi du passé est de rigueur, car l’homme a depuis démenti formellement avoir tenu de tels propos.
Le spectre des frondeurs
Jean-Michel Clément a-t-il été trop loin ? Qui dit nouveau groupe parlementaire dit potentielle fronde. Et ça, les leaders de la majorité n’en veulent pas. "On partage un projet et il ne faut pas donner l’impression qu’il y aurait plusieurs chapelles au sein de la majorité", explique à Europe1.fr Aurore Bergé, porte-parole du groupe LREM. "Que cette aile sociale soit un lieu de débat et d’échange, pas de problème. Mais nous avons été élus sur un projet commun de transformation de la société française", rappelle l’élue des Yvelines, qui "ne croit pas" que des députés de la majorité s’abstiendront sur des projets de lois à venir, sur l’immigration ou sur les entreprises par exemple. "Je ne ressens chez personne l’envie de fronder", assure-t-elle.
Pour autant, pas de pression, assure Aurore Bergé. "Les parlementaires de la majorité sont libres", jure-t-elle. Comme Richard Ferrand, le patron des députés LREM. "Un groupe, ce n’est pas un casernement", assurait le député du Finistère dimanche sur Europe 1. "C’est un lieu dans lequel il y a la liberté totale de débat, et l’unité totale dans l’action. Tout le monde me parait à la fois épanoui dans sa liberté et heureux dans sa discipline."
" On a passé le quinquennat à parler des frondeurs. On a été mal habitués "
Pour l’éphémère ministre de la Cohésion des Territoires, si le spectre des frondeurs apparaît, c’est l’héritage du précédent quinquennat. "Il y a eu une telle habitude prise de traquer le frondeur, qui a été le menu quotidien de la chronique pendant les cinq ans qui ont précédé, que là, on cherche. Et lorsqu’untel ou untel exprime sa sensibilité, on dit ‘ça y est, le retour des frondeurs’. Eh bien, non", a-t-il asséné. Là encore, Aurore Bergé est d’accord. "On a passé le mandat précédent à parler d’eux. On a été mal habitués", abonde-t-elle.
Pour l’heure donc, l’aile sociale ne fait pas peur à ceux chargés par Emmanuel Macron et Edouard Philippe de tenir les troupes. Reste à savoir si cette belle unité résistera aux examens de certains projets de loi très sensibles qui s’annoncent. Réponse dès le mois de février avec le texte portant sur l’immigration et défendu par Gérard Collomb.