Le procès de Marine Le Pen peut-il tourner à son avantage ?

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Mathilde Durand
Marine Le Pen, dirigeante du Rassemblement national et candidate pour 2022, fait face aux juges mercredi pour avoir diffusé des images d'exactions de Daesh sur Twitter. Puis, elle s'opposera au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin jeudi lors d'un débat télévisé. Une actualité chargée, à quinze mois de la présidentielle, que décrypte Jean-Yves Camus, politologue et spécialiste de l'extrême-droite, sur Europe 1. 
INTERVIEW

Marine Le Pen fait face à la justice ce mercredi à Nanterre, aux côtés de Gilbert Collard. La présidente du Rassemblement national est jugée pour avoir relayé en 2015 sur son compte Twitter des images violentes d'exactions de l'Etat islamique, elles-mêmes diffusées sur internet à des fins de propagande. Un procès, à quinze mois de la présidentielle de 2022, qui ne devrait avoir aucune influence sur le score du parti d'extrême-droite, selon Jean-Yves Camus, journaliste et politologue, sur Europe 1. Au contraire, il pourrait servir les arguments défendus par le parti. 

"Aucune des affaires judiciaires qui a impliqué le Rassemblement national ou Marine Le Pen n'a porté préjudice au parti", assure le spécialiste de l'extrême-droite. Ce procès pourrait au contraire servir le propos de Marine Le Pen, qui a fait de la lutte contre l'islamisme son cheval de bataille, car pour l'opinion publique l'accusation sera "paradoxale", selon Jean-Yves Camus. "Marine Le Pen pourra expliquer, et son discours sera audible, qu'en diffusant de telles images, elle ne s'inscrit pas dans le cadre de la propagande d'une organisation qu'elle combat depuis toujours mais que son objectif était 'pédagogique'".

Une proposition de loi déposée pour "interdire l'islamisme"

Ce procès tombe dans une période médiatique chargée pour le Rassemblement national, notamment avec le débat prévu jeudi soir entre Marine Le Pen et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, sur France 2. "Cela recoupe une actualité du RN qui est le dépôt la semaine passée par Marine Le Pen d'une proposition de loi visant à interdire l'islamisme", décrypte également Jean-Yves Camus.

Cette proposition de loi, à la définition imprécise, permettrait "d'une part l'édiction de mesures d'interdiction pour les associations et organisations, et d'autre part un certain nombre de mesures visant les individus, comme l'interdiction d'accès à la fonction publique des personnes qui seraient suspectées de relayer la propagande islamiste", précise le directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean Jaurès.

Si juridiquement le projet a peu de chance d'aboutir, et sera probablement retoqué par le Conseil constitutionnel, la stratégie politique du Rassemblement national n'en n'est pas pour autant affectée, explique le politologue. "Elle expliquera que précisément, l'un des drames de ce pays, c'est que tout est sous le contrôle d'un juge constitutionnel qui trouve toujours 'la petite bête' pour empêcher que le cadre change", analyse Jean-Yves Camus. "Ce que veut Marine Le Pen, c'est renverser la table."

Objectif 2022 avec plusieurs enjeux pour la candidate RN

Première à se déclarer candidate pour la présidentielle de 2022, nul doute que Marine Le Pen a le scrutin en ligne de mire. Une dernière enquête Harris Interactive de janvier 2021 crédite la candidate du RN de 48% d'intention de votes au second tour face à Emmanuel Macron. Et selon un sondage Ipsos pour le Figaro paru mardi, 67% des sondés jugent assez ou très probable un second tour entre le président de la République et la patronne du RN.

Une campagne qui se jouera sur le thème de l'identité, un thème cher au Rassemblement national, mais qui pourrait être bousculée par le bilan du Covid-19 et de la crise sanitaire, suggère le spécialiste de l'extrême droite. "C'est aussi la pandémie qui va décider du sort de la présidentielle de 2022", assure-t-il.

"Le grand enjeu pour que Marine Le Pen franchisse la barre des 50% plus une voix, c'est d'abord la mobilisation de son propre électorat. Elle n'a pas nécessairement été maximale aux élections municipales, dans le contexte très particulier du début de la pandémie", explique Jean-Yves Camus. "Deuxièmement, la mobilisation des abstentionnistes. Et puis aussi, ce que feront les électeurs les plus à droite de LR, qui sont pour l'instant dans une situation assez particulière puisqu'ils n'ont pas de candidat à l'élection présidentielle."