La deuxième moitié de l’année 2018 a été marquée par deux crises majeures pour le quinquennat d’Emmanuel Macron. La première, l’affaire Benalla, a éclaté à la mi-juillet 2018, quelques jours après la victoire de l’équipe de France de football à la Coupe du monde en Russie. Puis, à la mi-novembre, le mouvement des gilets jaunes fait à son tour vaciller le pouvoir.
Sylvain Fort, l’ancienne plume du président de la République entre mai 2017 et janvier 2019, était présent lors de ces mois tourmentés pour la Macronie. Invité d’Europe 1 dimanche matin, l’ex-conseiller a raconté au micro de Charles Villeneuve comment l’Élysée a géré ces deux crises.
Sur l’affaire Benalla : "On est tous surpris par cette crise"
Le 18 juillet, la France se réveille encore dans l’euphorie de la victoire des Bleus à la Coupe du monde. Mais quelques heures plus tard, un article du journal Le Monde va provoquer une déflagration et briser ce mini état de grâce. L’affaire Benalla, du nom de l’ancien chargé de mission (il était chargé de la sécurité du président), se transforme en quelques jours en une affaire d’État. Sylvain Fort l’avoue : l’Élysée a été totalement dépassée par l’ampleur du scandale.
"On est tous surpris par cette crise, qui est en fait une crise qui commence petit et qui finit gros. Ça commence petit, parce qu'au fond, c'est un acte de brutalité accompli dans une tenue de policier en plein Paris par un collaborateur du président de la République sur un manifestant", estime Sylvain Fort. Alexandre Benalla a été filmé, en tenue de policier, en train de frapper un manifestant en marge des manifestations du 1er mai 2018, place de la Contrescarpe à Paris.
"Je dis ‘c'est petit’, mais c'est très grave. Mais c'est ponctuel, c'est un événement qui se sanctionne et qui est sanctionné à ce moment-là (l’Élysée a été informée dès le lendemain et a mis à pied Alexandre Benalla pour 15 jours, avec rétrogradation de ses fonctions, ndlr). Mais ça finit gros parce que ensuite, les événements se déploient", poursuit l’ancien proche collaborateur d’Emmanuel Macron.
"Ce qu’on lisait dans la presse, on l’ignorait"
Sylvain Fort l’assure : l’Élysée, et le président de la République lui-même, n’étaient pas au courant des agissements d’Alexandre Benalla. Dans les mois qui ont suivi, d’autres affaires ont mis en cause l’ancien chargé de mission, notamment celle dite des "passeports diplomatiques" et celle des "contrats russes", révélant de sérieux dysfonctionnements au sein de la présidence de la République. "On ignorait ses initiatives", certifie Sylvain Fort. "Je pense au coffre-fort (le coffre-fort d’Alexandre Benalla a mystérieusement disparu en juillet 2018, juste avant une perquisition, ndlr) et toutes ces choses absolument rocambolesques qui viennent enrichir la chronique. L'affaire Benalla, ce n'est pas fondamentalement une ‘affaire’, c'est une histoire, c'est un roman qui vient percuter le quinquennat", juge l’ancienne plume.
"On se rend compte qu'un individu a usurpé un certain nombre de prérogatives et s'est cru autorisé à prendre un certain nombre d'initiatives du fait de son appartenance à la présidence de la République. Mais ce qu'on lit à ce moment-là dans la presse, ce qu'on découvre dans les articles successifs, on l'ignorait", appuie Sylvain Fort.
Sur les gilets jaunes : "Emmanuel Macron a une résistance à la haine exceptionnelle"
Dans le sillage de l’affaire Benalla, le mouvement des "gilets jaunes" se déclenche en novembre 2018 et entraîne des milliers de personnes dans la rue, qui protestent notamment contre le coût de la vie. Ces manifestations donnent parfois lieu à de violents débordements, notamment à Paris, et à des slogans hostiles contre le président de la République. Sylvain Fort assure qu’Emmanuel Macron n’a jamais "faibli" pendant cette période, louant sa "résistance à la haine".
"Quand vous êtes président de la République et que vous travaillez avec lui, la République n'est pas spécialement lisible. Evidemment, vous êtes habitués aux manifestations, à des protestations, même à des violences. Mais vous n'êtes pas habitués à ça. Il faut quand même mobiliser une ressource considérable, personnelle, psychologique et de force intérieure pour réagir à cela et pour ne pas se sentir vaincu. Surtout quand vous avez cette France-là, qui est plutôt une France non contestataire d'habitude, qui se soulève", analyse Sylvain Fort.
"Ce que j'ai trouvé particulièrement étonnant dans cette période, c'est que n'importe quel individu, devant les torrents de boue et de haine dont il a été victime, aurait quand même faibli. Peut-être même qu’il aurait mis un genou à terre, mais lui non. Il a une résistance à la calomnie, une résistance à la haine, une résistance à la bassesse de certains propos et de certains gestes, que nous avons tous vu se développer à ce moment-là, qui est absolument exceptionnelle", juge l’ancien conseiller. "Il n’a jamais été marqué pendant cette période. Ni de colère, ni d'affaiblissement, ni de rancœur. Jamais", conclut Sylvain Fort.