Il a voulu anticiper l’incendie médiatique. Jeudi, sur BFMTV, à la veille de la publication d'une enquête dans Ebdo faisant état d'accusations d'agressions sexuelles à son encontre, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a opposé un vif démenti. La méthode Hulot - précéder la sortie de l’information ou de la rumeur pour la "taper" et ne pas être en position de subir -, en rappelle une autre, celle d'Emmanuel Macron. Le président de la République, encore candidat, avait fait la même chose sur la scène de Bobino à propos de sa pseudo homosexualité. Gérald Darmanin a également pris les devants, en parlant sur franceinfo de la plainte pour viol déposée contre lui, quinze jours avant la publication d'un article du Monde.
"Je n'ai pas peur de la vérité". Pendant longtemps, les politiques et leurs communicants considéraient que parler de la rumeur risquait de l’alimenter et qu’il fallait y opposer un mur de silence. "J’ai peur de la rumeur, mais pas de la vérité", a répété deux fois Nicolas Hulot jeudi sur BFMTV. Toute son intervention, très authentique en apparence, a en fait été finement préparée avec un champ lexical choisi : le ministre a répété dix fois "qu’il avait mal", cinq fois qu’il "n’y avait pas d’affaire", parce que dans un cas il s’agit d’une rumeur non vérifiée, et dans l’autre d’une plainte classée. Du côté de l'exécutif, le même message a été martelé toute la journée. "Il n'y a pas d'affaires, il y a des rumeurs. Donc le président de la République a assuré Nicolas Hulot de son entier soutien, comme l'a fait le Premier ministre", a déclaré Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement.
Nicolas Hulot dément des rumeurs de harcèlement sexuel :
La rumeur enfle. Il faut dire que la rumeur enflait depuis plus d’une semaine. "Il y a une rumeur qui courait hier dans toutes les rédactions qui vise une personnalité extrêmement importante du monde politique avec des informations qui devraient, pourraient, sortir dans la presse", avait notamment lâché le journaliste Pascal Praud sur CNews, mercredi 31 janvier. Le lendemain, il se faisait sévèrement remonter les bretelles par l'Elysée via une série de SMS. Mais à partir de là, la machines'emballe et l'information d’une plainte pour viol datant de 2008 et de l’interview de la victime supposée arrivent au Palais. En début de semaine, l’exécutif décide que Nicolas Hulot doit parler avant la parution d'Ebdo.
Lancement de l'"opération transparence". Bien que du côté de Matignon, on affirme que le troisième homme du gouvernement est le seul décisionnaire, conseillé par un ancien communicant de chez Euro-RSCG, c’est Emmanuel Macron qui aurait imposé la matinale de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV. Déjà pendant la campagne, c’est dans cette émission qu’il avait balayé la rumeur sur ses comptes cachés. Une stratégie qui avait payé pour le futur chef de l'Etat. Pour l’exécutif, l'émission de Jean-Jacques Bourdin est "le lieu idéal", parce que qu'elle est le matin, à une heure de forte écoute, et permet ainsi de prendre le "lead" sur l’actualité. En termes d'image, ce tête-à-tête de 25 minutes a un côté "confrontation virile" pour une opération qu’on a baptisé à Matignon "opération transparence", bien qu’elle ait plutôt une fonction de déminage.
Une stratégie à double tranchant. Pour l'heure, l'efficacité de la mesure est encore difficile à évaluer. L'affaire va-t-elle "feuilletonner", selon la formule journalistique, c’est à dire connaitre d'autres rebondissements ? Le nom de la plaignante circule déjà dans la presse, alors qu’elle a témoigné sous anonymat dans Ebdo. "Il y a deux avantages à faire ça : vous prenez la maîtrise du calendrier, c'est vous qui décidez quand l'info sort. La deuxième chose, c'est que Nicolas Hulot peut coder le débat dans son sens, c'est-à-dire qu'il va pouvoir dire sa vérité à lui, et c'est ce que l'on a entendu en premier", explique à Europe 1 Thierry Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences-Po et président de MCBG Conseil.
"Dans le cas contraire, c'est l'accusation qui prime et il est très difficile ensuite, pour n'importe qui, de se retrouver avec le contrôle de sa propre parole. On se retrouve discrédité d'emblée", poursuit le spécialiste. Il rappelle que François Fillon a été l'un des premiers à utiliser cette technique, "en mettant ses enfants en avant, prévenant qu'ils allaient être impliqués dans le 'Penelopegate'". Une stratégie qui, cependant, s'était retournée contre le candidat des Républicains, puisque ses déclarations avaient poussé Le Canard enchainé à enquêter et à faire de nouvelles révélations sur les salaires perçus par les enfants du couple.
En tous cas, du côté de l'Elysée, on a trouvé que "Hulot avait parlé avec ses tripes", que "sa sincérité crevait l’écran" et que l'on avait assisté à "un grand moment médiatique".