Ce week-end, Olivier Faure pourrait bien avoir à jouer les funambules, alors que le Parti socialiste se réunit en congrès à Aubervilliers. Après son élection, le patron des députés PS y sera officiellement investi comme premier secrétaire. Mais passées les formalités d'usage, comme la nomination des instances nationales, Olivier Faure va devoir s'atteler à résoudre une double équation pour pouvoir entamer la reconstruction d'un parti toujours exsangue après le séisme électoral du printemps dernier : comment stopper la fuite des adhérents, et quel projet redonner à l'ancienne majorité, de manière à ce qu'elle puisse de nouveau donner de la voix au sein d'une opposition de gauche largement polarisée par La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ?
La tentation Hamon. Olivier Faure a fait campagne sur la renaissance, mais sa première préoccupation sera de faire face à une nouvelle vague annoncée de défections chez les ténors du parti, du moins ceux qui restent encore. Après le départ de quelques hamonistes cette semaine, comme Pierre Cohen, l'ancien maire de Toulouse, d'autres pourraient encore avoir envie de rejointe Génération.s, le mouvement lancé en juillet dernier par le vainqueur de la primaire de 2017. Une tentation dont ne se cache pas le député Régis Juanico. "Je suis l'un des plus proches de Benoît Hamon, personne ne comprendrait que je reste au Parti socialiste. Je l'ai fait parce que je m'étais engagé à le faire, il y a huit mois, dans la direction collective", justifie l'élu de la Loire. "J'attends la fin de ce congrès, et ensuite on se reposera la question tranquillement".
Des départs qui ont le mérite d'accélérer la clarification, a voulu relativiser Olivier Faure vendredi, au micro de la matinale d'Europe 1. "Il y a des gens qui depuis plusieurs mois sont soumis à un dilemme et hésitent entre Benoît Hamon et le PS. Que ces gens-là fassent leur choix !", a-t-il martelé. "Ce qui m'intéresse, ça n'est pas de savoir qui va partir, c'est qui nous allons réussir à faire revenir. Quelles sont ces femmes et ces hommes qui, avec nous, vont retrouver une espérance ?", a-t-il balayé.
Prendre position sur l'Europe. Autre sujet de préoccupation : comment intégrer à la ligne du parti une aile gauche qui a largement pris ses distances avec le quinquennat de François Hollande. Son représentant, l'eurodéputé Emmanuel Maurel, est arrivé troisième au poste de premier secrétaire. Il réclame en priorité une clarification sur l'Europe, alors que la prochaine échéance électorale, en l'occurrence les européennes de 2019, va revêtir une dimension nationale avec la restauration d'un scrutin à circonscription unique. Sans position du PS sur le sujet, Emmanuel Maurel pourrait claquer la porte. "L'ultimatum c'est la dernière phase avant l'ouverture des négociations", décrypte, non sans cynisme, un proche d'Olivier Faure.
Néanmoins, le futur patron du PS sait qu'il ne pourra se passer de son aile gauche s'il veut redonner au parti une place prédominante au milieu des formations de gauches. "Sans le Parti socialiste comme force centrale capable de rassembler du centre-gauche jusqu'à la gauche de la gauche, c'est toute la gauche qui disparaît", a-t-il reconnu, toujours à l'antenne d'Europe 1.
La gronde sociale, un tremplin ? Emmanuel Maurel s'accorde avec Olivier Faure sur ce point : le PS doit "redevenir un parti central". Mais à ce stade leurs vues sur la méthode pour y parvenir diffèrent. "Il faut renouer avec le corps central de la société, soit les ouvriers, employés, retraités modestes et la jeunesse précarisée", préconise le député européen dans les colonnes de L'Humanité. Et pour y parvenir, la grogne sociale qui se met en place autour de la mobilisation des cheminots pourrait bien servir de catalyseur selon lui. "Si ça avait été moi, on aurait invité des cheminots et dirigeants syndicaux [au congrès, ndlr], car c'est le mouvement social qui intéresse la gauche aujourd'hui. Le PS doit prendre position et y participer".
Moins pragmatique, Olivier Faure refuse d'instrumentaliser la mobilisation. "Il y a un mouvement social, né en dehors des partis politiques, et qui cherche aujourd'hui à faire entendre des revendications qui expriment une vision du service public. Nous soutenons ce mouvement mais nous ne voulons pas l'instrumentaliser", a-t-il déclaré sur Europe 1. "Le mouvement social n'est pas le congrès de réunification des gauches", ajoute-t-il. Il garde aussi en tête l'essai malheureux de Jean-Luc Mélenchon avec la protestation contre la réforme du code du Travail. "J'observe que lors de la phase précédente, avec les ordonnances sur la loi Travail, lorsque Jean-Luc Mélenchon et les insoumis ont souhaité être les cornacs de cette manifestation, lorsqu'il ont souhaité diriger le mouvement social, eh bien ça l'a plutôt asphyxié".
Pour savoir sur quel pied danser, Olivier Faure va aussi se tourner vers la base et ouvrir les portes du parti. Le nouveau premier secrétaire proposera ce week-end de donner le droit de vote aux simples sympathisants sur les grands chantiers idéologiques du Parti socialiste. Comme un garde-fou, pour éviter le faux pas.