Crise en vue au PS: le duel entre le sortant Olivier Faure et son rival, le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, a atteint un paroxysme dans la nuit de jeudi à vendredi, quand ils ont tous deux revendiqué avoir remporté le scrutin désignant le prochain Premier secrétaire du parti socialiste.
La situation est ubuesque : vers 1H30 du matin, Nicolas Mayer-Rossignol a annoncé sa victoire à la presse, suivi quelques minutes plus tard par Olivier Faure sur YouTube. "Nous avons remporté ce résultat à hauteur de 53,47% des voix sur 90% des dépouillés", a déclaré l'élu normand, ajoutant que l'écart avec son concurrent n'était "plus rattrapable".
Les militants "ont exprimé ce soir, par un vote clair, leur volonté de poursuivre le rassemblement de la gauche et des écologistes en me renouvelant leur confiance", a assuré pour sa part Olivier Faure. Les deux camps, s'accusant mutuellement d'irrégularités dans les votes, ont déjà annoncé des recours et demandes d'annulations de vote dans des sections.
Une commission de recollement des résultats doit se réunir vendredi. Selon la numéro 2 du PS, Corinne Narassiguin, Olivier Faure arrivait légèrement en tête du vote, autour de 52%, selon les premières tendances portant sur "plus de 50% des fédérations représentant plus de 50% des votants".
Méthodes d'outre-Atlantique
Ce sont "les seuls chiffres réels qui peuvent être compilés", a assuré le mandataire du candidat sortant, Pierre Jouvet, dénonçant une "déstabilisation inadmissible" de la part du camp adverse, et "des méthodes qu'on a trop vues outre-Atlantique", dans une allusion à la défaite jamais reconnue de Donald Trump à la présidentielle américaine de 2020. "Olivier Faure a remporté le scrutin avec certitude", a-t-il insisté.
A l'inverse, Nicolas Mayer-Rossignol affirme que même si quelques fédérations plus favorables à Olivier Faure n'étaient pas encore dépouillées, il obtiendrait dans le pire des cas 50,5% des voix. Le maire de Rouen demande par ailleurs "l'annulation d'un certain nombre de résultats", en raison de contentieux, notamment dans la section de Liévin (Pas-de-Calais, environ 300 voix). Surveillants de scrutin non autorisés à entrer dans des bureaux de vote, bourrage d'urnes: les deux camps se sont accusés de nombreuses "irrégularités" dans les votes.
Le vainqueur doit être officiellement intronisé lors d'un congrès dans une semaine à Marseille. Le résultat pourrait avoir des conséquences sur l'accord Nupes conclu en mai 2022 pour les législatives avec LFI, EELV et le PCF. Cette alliance a permis de garder un groupe de 32 députés socialistes à l'Assemblée nationale, malgré l'échec historique à la présidentielle de la candidate Anne Hidalgo (1,7%). Mais elle a profondément divisé le PS.
Olivier Faure défend sa stratégie d'alliance de gauche "sans exclusive", seul moyen selon lui de faire barrage à la droite et à l'extrême droite en 2027. Nicolas Mayer-Rossignol, plus réservé sur cet accord, ne cache pas ses réticences vis-à-vis du parti de Jean-Luc Mélenchon. Il a le soutien de la troisième candidate, la maire de Vaulx-en-Velin Hélène Geoffroy, clairement hostile à la Nupes.
La bataille de chiffres va se poursuivre vendredi, comme lors du vote des militants sur le texte d'orientation jeudi dernier, destiné à déterminer le rapport de force dans les instances du parti.
"Sur les rails"
Les adhérents avaient alors placé Olivier Faure en tête à 49,15% des voix, contre 30,51% pour Nicolas Mayer-Rossignol, et 20,34% pour Hélène Geoffroy. Dans le bureau de vote de la section de Pantin, Djamel Benmokhtar, adhérent depuis 7 ans, a choisi Olivier Faure, "qui peut remettre sur les rails le PS". "Le parti est très malade", souligne pour sa part Abdou N., adhérent depuis "plus de 20 ans", qui a voté "pour que le parti soit revigoré".
Soutenu par la maire de Paris Anne Hidalgo, la présidente d'Occitanie Carole Delga et l'ex-président François Hollande, Nicolas Mayer-Rossignol affirme être le seul à pouvoir rassembler, sur une "voie centrale". Pour Olivier Faure, les résultats du premier vote prouvent que seuls 20% des adhérents ont voté contre la Nupes, confortant de fait sa ligne.
Son entourage affirme qu'il dispose déjà d'"une majorité absolue au conseil national" (sorte de parlement de la formation, ndlr), grâce à l'appui d'au moins 60 premiers secrétaires fédéraux, qui comptent pour un tiers dans la composition du conseil. Il s'agit d'une projection, le vote des premiers fédéraux n'aura lieu qu'en février.