Elle règle ses comptes. Dans Ce que je peux enfin vous dire (éd. Fayard), publié mercredi, Ségolène Royal ne retient pas ses coups. L'ancienne ministre de l'Environnement de François Hollande, candidate malheureuse à l'élection présidentielle de 2007, parle du sexisme qu'elle a subi, de son ancien compagnon et de ses adversaires politiques. Sans langue de bois mais avec quelques regrets et une pointe d'amertume, celle qui est désormais ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique dézingue à tout va.
"À poil !", "qui va garder les enfants ?" : sexisme en politique
Ce que peut enfin nous dire Ségolène Royal, ce sont ces remarques misogynes qui l'ont touchée, blessée tout au long de sa carrière. "Le sexisme est un racisme, il se nourrit du même obscurantisme", écrit-elle. En 1988, elle est jeune députée et entend un collègue crier "à poil !" dans l'hémicycle alors qu'elle monte à la tribune. Lorsqu'au début des années 2000 elle est nommée au sein d'une commission d'enquête sur les farines animales, le président de cette commission pointe "la participation d'une vache folle au bureau de la commission d'enquête". C'est aussi à cette époque que Lionel Jospin la nomme ministre déléguée à la Famille. "J'ai pensé qu'avec tes quatre enfants, tu pourrais faire l'affaire", justifie-t-il alors.
" Celle-là, elle doit être bonne à faire autre chose que de la politique. "
Ségolène Royal dénonce des éditorialistes, Alain Duhamel et Laurent Joffrin, pour leurs commentaires sur son incompétence. Des anciens camarades aussi, tel Laurent Fabius, auteur d'un remarqué "qui va garder les enfants ?" lorsqu'elle est candidate à la présidentielle en 2007. Une autre anecdote parlante concerne deux ministres, "et non des moindres", du gouvernement Valls qui, lors d'un sommet franco-italien en 2016, lancent à propos d'une ministre italienne : "Celle-là, elle doit être bonne à faire autre chose que de la politique."
"Cruellement trahie" par François Hollande
Ce livre est aussi l'occasion, pour Ségolène Royal, d'aborder l'adultère de son ancien compagnon, François Hollande, qui était déjà avec la journaliste Valérie Trierweiler pendant la campagne de 2007. Estimant avoir été "cruellement trahie pour une femme de dix ans plus jeune", l'ancienne ministre évoque "la violence" de cette tromperie, "la férocité de la bigamie qui tétanise". "J'aurais dû mettre fin à cette situation", écrit-elle. "J'ai mis beaucoup de temps à soigner mes blessures, à m'émanciper de ce fardeau et à me tourner vers un autre futur. C'est pourquoi j'ai décliné la proposition de reprendre la vie commune."
" La réforme des territoires de François Hollande ? L'une des pires du quinquennat. "
Mais François Hollande est également critiqué pour sa politique. Ségolène Royal fustige pêle-mêle la "pagaille maximum pour efficacité minimum" de la loi Travail, le "mélange de désinvolture et de bonhomie" de l'ancien président, le "degré zéro de la politique" que représentent les hausses d'impôts et la suppression de la détaxation des heures supplémentaires. Quant à la réforme des territoires, l'ancienne candidate à la présidentielle estime qu'il s'agit de "l'une des pires du quinquennat".
Les "graves erreurs" de Macron
Ségolène Royal consacre aussi plusieurs pages à Emmanuel Macron. Elle reconnaît avoir eu d'abord de la sympathie pour lui parce qu'elle trouvait "respectable" qu'il "ait osé épouser une femme de vingt ans de plus que lui". Tous deux ont également des affinités politiques. "On s'est retrouvés sur la même ligne le plus souvent, sur les grands arbitrages délicats relatifs aux grandes filières, notamment nucléaire", écrit-elle. L'ancienne ministre explique également avoir conseillé, sur le ton de la boutade mais tout de même, à François Hollande de nommer Emmanuel Macron à Matignon.
Mais l'exercice jupitérien du pouvoir ne lui plaît guère. Pour Ségolène Royal, il y a désormais un "déficit de dialogue", de "l'autoritarisme" et bien des "erreurs" dans la gestion de l'État par le successeur de François Hollande. "Penser que l'injonction à faire des réformes oblige à faire n'importe lesquelles, pourvu que ça bouge et penser que le désordre de la rue ou l'épuisement des forces vives d'un pays ou des corps intermédiaires est la preuve d'une réforme accomplie [est une] grave erreur."