C'était leur dernier débat, leur dernière chance de convaincre les électeurs de voter pour eux (ou leurs adversaires qu'ils étaient potentiellement ministrables). Les sept candidats de la primaire de la gauche se sont affrontés une troisième fois, jeudi soir, pendant plus de 2h40. Une joute oratoire qui a permis à François de Rugy de se démarquer.
François de Rugy solide
Le président du Parti écologiste, solide les fois précédentes, et notamment pour le deuxième débat, devrait avoir fini de convaincre les sceptiques que les petits candidats peuvent apporter à la discussion. Le député s'est montré convaincant, notamment en politique internationale, dressant un constat à la fois précis et exhaustif de la situation en Syrie et des rapports de force qui se jouent entre l'Europe et la Russie. Un discours auquel la quasi intégralité des autres participants a adhéré.
Il a également fait des propositions concrètes sur un sujet qui en manquait cruellement : l'égalité homme-femme. François de Rugy a ainsi esquissé un projet de congé pour le deuxième parent (qui est l'homme dans l'écrasante majorité des cas) avant la naissance, mais aussi des actions de groupe au sein des entreprises pour réclamer l'égalité salariale. Enfin, son propos a été émaillé de propositions en rapport avec l'écologie, notamment en matière de santé. Pourfendant les lobbies, François de Rugy a su se montrer offensif.
Manuel Valls très tactique
La semaine, marquée notamment par une gifle reçue par un manifestant lors d'un déplacement en Bretagne, a été difficile pour Manuel Valls. L'ancien Premier ministre s'est néanmoins bien sorti de son troisième débat, apparaissant plus détendu que lors des précédents. Il avait soigné ses punchlines ("Je ne veux pas d'une gauche qui fait des propositions à crédit pour perdre totalement son crédit") et a aussi bénéficié d'attaques moins nombreuses de ses adversaires, trop occupés à s'opposer à Benoît Hamon.
Mais c'est surtout d'un point de vue tactique que Manuel Valls a bien joué. S'arrangeant souvent pour avoir le mot de la fin, glissant notamment une phrase sur la culture, dont il a regretté que personne n'ait parlé, l'ex-Premier ministre est apparu synthétique et clair. Il a aussi pris soin de distribuer les caresses à ses concurrents, appelant les uns et les autres par leur prénom, appuyant sur les points de convergence pour mieux se poser en candidat du rassemblement plutôt que du clivage.
Benoît Hamon mis en difficulté
L'ancien ministre de l'Éducation y est désormais habitué : ce sont toujours ses propositions qui cristallisent le débat. Cela met en valeur son programme mais l'expose aussi beaucoup à la critique. Et jeudi soir, celle-ci fut nourrie. Cinq candidats ont descendu en flèche son projet de revenu universel, que Benoît Hamon a eu du mal à défendre clairement. Sur une attaque d'Arnaud Montebourg, il a même semblé vouloir abandonner, soupirant : "tu n'as pas le droit, ce n'est pas sérieux." Seul Jean-Luc Bennahmias lui a apporté un soutien bruyant, et quelque peu encombrant. "Benoît, ne te décourage pas !"
Benoît Hamon a aussi commis quelques impairs, notamment en mentionnant les ABCD de l'égalité, ces brochures visant à lutter contre les stéréotypes à l'école, qu'il a lui-même retirées des classes sous la pression, notamment, de la Manif pour Tous. Reste qu'en étant jugé le plus convaincant des sept par les Français, selon un sondage Elabe pour BFM TV, Benoît Hamon peut toujours espérer profiter de la dynamique qui est la sienne depuis déjà plusieurs semaines.
Arnaud Montebourg plus coloré
On l'avait perdu, "l'Arnaud Montebourg de 2011", lyrique et survolté. Il a (enfin) refait surface lors de ce débat. Sur ses sujets phares, notamment le protectionnisme économique, l'ancien patron de Bercy s'est montré pugnace. Mais c'est surtout sa longue tirade au cordeau contre Emmanuel Macron, drôle et enlevée, terminée en apothéose avec une citation de Martine Aubry, qui lui a offert son moment de gloire pendant le débat.
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Vincent Peillon sérieux
L'(autre) ancien ministre de l'Éducation a continué sur sa lancée. Toujours offensif, notamment lorsqu'il a attaqué Manuel Valls sur le fait qu'on "ne peut pas faire la guerre tout le temps et à tout le monde", Vincent Peillon a parfois péché par arrogance. Menton haut et main levé, son côté "prof" lui a d'ailleurs attiré les foudres de l'ancien Premier ministre. Sur l'Europe, néanmoins, son discours a fait mouche.
Comme Arnaud Montebourg, c'est Emmanuel Macron qui lui a donné l'occasion d'emporter son auditoire avec des propos bien enlevés. "Macron, il ne me fait pas peur", a-t-il expliqué. "On l'a connu secrétaire général adjoint de l'Élysée, il était charmant. On l'a connu ministre, il était tout à fait raisonnable." Et Vincent Peillon d'ironiser sur les nombreuses couvertures de magazines people sur lesquelles s'étalent les photos du fondateur d'En Marche!
Jean-Luc Bennahmias et Sylvia Pinel fidèles à eux-mêmes
On ne change pas une équipe qui se charge si bien de l'animation. Jean-Luc Bennahmias a, une fois encore, fait le show. "On parle de la santé et de l'environnement ! Génial ! Je dis bravo !", s'est exclamé le président du Front démocrate. "Nous sommes un vieux pays de machos", a-t-il lancé lorsqu'est venu le moment d'aborder l'égalité homme-femme. Toujours efficace pour donner un peu d'air au débat, à défaut de dessiner les contours de mesures concrètes.
Sylvia Pinel, quant à elle, n'a pas su réellement tirer parti de sa place centrale, plus avantageuse que celles, à l'extrémité du plateau, dont elle avait héritée les fois précédentes. Toujours hésitante, peu encline à s'emparer de la parole qu'elle a généralement pris avec une voix monocorde, la candidate du Parti radical de gauche a néanmoins réussi à se montrer plus spontanée sur des séquences bien précises, notamment lorsqu'elle a pilonné le projet de revenu universel de Benoît Hamon. Et son focus sur les personnes âgées et handicapées pendant sa "carte blanche", qui lui a permis de mentionner une "silver economy" dont la place est appelée à devenir prépondérante, était bien trouvé.