Faut-il sortir de l'Union européenne ? La remodeler profondément ? Ou est-elle finalement une institution dans un état de fonctionnement satisfaisant - à défaut d'être optimal - et qui ne mérite que des ajustements à la marge ? Mardi soir, au cours du deuxième débat organisé par Europe 1 et CNews avec des représentants de partis ayant présenté une liste aux élections européennes, ce sont ces questions qui se sont posées. Les six représentants politiques présents, Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière, François Asselineau pour l'UPR, Jean-Christophe Lagarde pour l'UDI, Florian Philippot pour les Patriotes, Fabien Roussel pour le PCF et Guillaume Balas pour Génération.s, ont adopté des positionnements radicalement différents.
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Très vite, Jean-Christophe Lagarde s'est retrouvé seul à défendre l'Union européenne. En face de lui, Fabien Roussel et Guillaume Balas ont au contraire plaidé pour une renégociation radicale des traités existant. De leur côté, François Asselineau et Florian Philippot n'ont cessé d'appeler à un "Frexit". Quant à Nathalie Arthaud, elle a adopté un positionnement quasiment mondialiste, refusant de s'en remettre à l'Union européenne pour améliorer la situation des gens qu'elle entend représenter, c'est-à-dire les travailleurs.
Jean-Christophe Lagarde, seul européiste sur le plateau
À de nombreuses reprises au cours des 2h30 de débat, le président et tête de liste de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, a fait cavalier seul mardi soir. Alors que les autres personnalités politiques tapaient sur l'Union européenne, lui en a pris la défense. Récusant l'existence d'une Europe fédérale ("c'est un mot qui n'existe pas, l'Europe n'est pas un Etat et je ne souhaite pas qu'elle en devienne un"), il l'a au contraire définie comme "un instrument pour affirmer des politiques d'indépendance".
" Si vous voulez lutter contre le réchauffement climatique, cela sert à quoi de le faire tout seul dans son coin ? "
Selon lui, l'Union européenne doit donc permettre de construire des projets compétitifs face aux concurrents que sont la Chine, la Russie ou les Etats-Unis. Elle peut aussi améliorer l'efficacité de certaines politiques, notamment environnementales. "Si vous voulez lutter contre le réchauffement climatique, cela sert à quoi de le faire tout seul dans son coin ?", a demandé le président de l'UDI. Lui-même propose donc des ajustements plutôt qu'une remise en cause de l'institution.
Ceux qui veulent renégocier drastiquement les traités
Face à Jean-Christophe Lagarde, Guillaume Balas pour Génération.s et Fabien Roussel pour le PCF se sont montrés beaucoup plus durs vis-à-vis de l'Union européenne. Tous deux suggèrent en effet de revenir sur un certain nombre de traités européens afin de réorienter les politiques économiques, sociales ou encore migratoires des États membres. Leur objectif est également de réformer en profondeur le fonctionnement des institutions.
" Il faut absolument qu'il y ait un mouvement de révision des traités "
Guillaume Balas a ainsi plaidé pour accorder plus de pouvoir au Parlement européen, et moins aux États membres, c'est-à-dire à la Commission. "Ce n'est pas l'Union européenne le problème, c'est ceux qui la dirigent", a-t-il argué. "Il faut absolument qu'il y ait un mouvement de révision des traités, mais on ne peut pas attendre la révision des traités pour faire des choses. Je propose que les prochains parlementaires européens disent qu'ils ne voteront rien tant qu'il n'y aura pas des changements fondamentaux. Les parlementaires européens sont les représentants de la nation européenne et doivent dire que ce sont eux qui décident du budget, des règles sociales, sans être bloqués par les États nations. Car ce sont ces États nations qui nous bloquent en permanence."
Le numéro trois de la liste Génération.s a également plaidé pour l'abrogation du règlement de Dublin III afin de mieux accueillir les migrants. "Il faut réinventer un modèle européen qui soit solidaire. La politique migratoire [actuelle] est une approche de vieux continent riche en déclin."
Fabien Roussel, lui, entend revenir sur le traité de Maastricht. "Ces traités nous ont fait horriblement de mal", a-t-il expliqué. "Il faut les réécrire complètement et mettre d'autres objectifs. Un des chiffres clefs des traités européens écrits à la main par les grands patrons, les marchés financiers et la banque, c'est respecter les 3% de déficit public. Nous proposons un autre chiffre : 0% de fraude fiscale. Nous proposons de menacer d'exclure de l'UE les pays qui sont de véritables paradis fiscaux comme l'Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg."
Ceux qui ne s'intéressent pas au niveau européen
Les trois derniers débatteurs, Nathalie Arthaud, Florian Philippot et François Asselineau, tous candidats aux élections européennes, ont des visions radicalement différentes mais partagent un point commun : aucun d'entre eux ne considère l'Union européenne comme un niveau institutionnel valable. Autrement dit, il ne leur paraît pas pertinent de discuter d'une éventuelle renégociation de traités ou d'inflexions stratégiques, puisque l'Europe n'est pas le niveau auquel agir.
" On ne peut pas à la fois avoir plus de nation, de souveraineté nationale et rester dans le cadre de l'Union européenne "
Pour Florian Philippot et François Asselineau, c'est parce qu'il faut tout bonnement sortir de l'Union européenne. "Je ne suis pas nationaliste, je suis patriote", a martelé le premier. "Je suis là pour expliquer qu'on ne peut pas à la fois avoir plus de nation, de souveraineté nationale et rester dans le cadre de l'Union européenne." Fustigeant un "machin" qui serait "daté", l'ex-numéro deux du Front national ne voit l'Union européenne que comme "une idéologie qui s'est dotée d'outils politiques et technocratiques" dont l'objectif serait "de détruire les Nations et de donner le pouvoir à des gens non légitimes". Il faut donc absolument en sortir selon lui, d'autant que toute renégociation des traités lui semble impossible puisqu'elle nécessite l'accord des autres membres, que même un Guillaume Balas très motivé n'obtiendra jamais.
François Asselineau, lui aussi, ne jure que par le "Frexit". Au point que, durant tout le débat, il a souvent refusé de répondre sur le fond aux questions, estimant qu'une sortie de l'Union européenne était un préalable à toute politique. Comment agir pour le pouvoir d'achat ? "Le gouvernement est obligé d'appliquer les grandes orientations économiques de l'Union européenne." Comment financer la transition écologique ? "Pourquoi faudrait-il être ligoté avec les pays de l'Union européenne ? La France devrait avoir une politique nationale de la transition énergétique." Faut-il accueillir les migrants ? "Le débat sur les questions migratoires est vain. Nous proposons de mettre de côté la question migratoire pour récupérer notre souveraineté nationale."
" La souveraineté nationale, quand on appartient au monde du travail, ce sont des mots creux "
Enfin, dans un genre très différent, Nathalie Arthaud aussi assume de "ne pas présenter un programme électoral" car elle "ne pense pas que les choses viendront d'en haut", c'est-à-dire des institutions de l'Union européenne. La numéro un de Lutte ouvrière croit, elle, dans l'union mondiale des travailleurs, qui dépasse largement le cadre des 27 États membres. Elle ne défend pas pour autant le "Frexit". "La souveraineté nationale, quand on appartient au monde du travail, ce sont des mots creux. C'est quoi la souveraineté de ceux qui cherchent un boulot ? On n'est souverain de rien [quand on est un travailleur]", a-t-elle asséné. Son prisme de réflexion reste donc celui de la lutte des classes entre dominants et dominés. Ce que la candidate Lutte ouvrière a résumé d'une phrase : "Moi, c'est le grand capital que je veux viser."