Tandis que 60.000 courageux arpentaient les rues de Paris, dimanche, un autre marathon, presque aussi sportif, se déroulait en coulisses, à l'Elysée. Après un week-end d'intense préparation, l'annonce est venue de la présidence dans la soirée : Emmanuel Macron dévoilera ses réponses au "grand débat" et à la crise des "gilets jaunes" lundi soir, à 20 heures, lors d'une allocution télévisée. Officiellement, le chef de l'Etat doit annoncer "les chantiers d'action prioritaires et les premières mesures concrètes", selon le communiqué. Europe 1 fait le point sur ce que l'on sait de cette intervention-clé, marquée par plusieurs changements dans la stratégie de l'exécutif.
Comment le chef de l'Etat a-t-il préparé cette intervention ?
Selon plusieurs sources jointes par Europe 1, la tension était palpable autour du président tout le week-end. Les grandes orientations se sont affinées samedi après-midi, avant communication au reste de l'exécutif, dimanche soir. Emmanuel Macron a reçu Edouard Philippe à 19 heures, avant de dîner avec Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Marc Fesneau et Jacqueline Gourault - Christophe Castaner étant excusé pour cause de déplacement à Mayotte. Premier objectif pour le chef de l'État : envoyer un signal fort en termes de méthode. Le 10 décembre, lors de la première allocution télévisée organisée en réponse à la crise des "gilets jaunes", seule une poignée de collaborateurs avait été mise au courant, au dernier moment, du plan de 10 milliards d'euros qui allait être annoncé. Les ministres l'avaient, eux, découvert à la télévision.
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Cette fois informés - mais non consultés - par le président, les membres du gouvernement l'ont trouvé "combatif et déterminé", selon nos informations. Auprès d'eux, Emmanuel Macron a appelé à un "changement de logiciel" au sein des ministères et des administrations. "La mise en oeuvre des réformes est trop compliquée" : voilà le constat qu'a fait le président sur le terrain lors de ses différents débats avec les Français.
Que va-t-il annoncer ?
"Le président va annoncer du concret, et des chantiers seront dévoilés", indique l'un des amis d'Emmanuel Macron, qui a beaucoup travaillé avec lui ces derniers jours. Parmi les multiples pistes évoquées durant le grand débat, lesquelles a-t-il retenu in fine ? Certaines sont exclues d'avance, comme le retour de l'ISF, dont la suppression lui a valu d'être taxé de "président des riches". Pour le reste, le champ des possibles est vaste, tant les remontées du "grand débat" touchent à des sujets divers : selon un sondage Ifop dévoilé dimanche par le JDD, 88% des Français veulent réindexer les petites retraites sur l'inflation, 87% obliger les médecins à s'installer dans les déserts médicaux, 82% une baisse générale de l'impôt sur le revenu et 80% supprimer la redevance télévisuelle.
Face à ces attentes, le chef de l'Etat ne s'apprête pas à dévoiler "un catalogue de mesures", prévient un proche. Selon nos informations, les annonces pourraient porter sur trois "piliers" : le pouvoir d'achat et la rénovation de la démocratie, mais aussi la lutte contre l'urgence climatique, manière de "lever le nez" et de se projeter au-delà de l'actualité chaude. Concrètement, on parle par exemple de la création d'un service public pour les versements des pensions alimentaires aux femmes isolées.
Pourquoi toutes les mesures ne seront-elles pas dévoilées dès lundi ?
Si le flou demeure sur le détail des mesures, une chose est sûre : tout ne se jouera pas lundi soir. Mercredi, Emmanuel Macron "fera de nouvelles annonces" et "expliquera et détaillera" ses grands chantiers à l'Elysée, lors d'une conférence de presse, a indiqué la présidence. En apparence anodine, cette rencontre avec les journalistes est tout simplement… la première en France depuis le début de son quinquennat, en mai 2017. Signe, peut-être d'un changement de méthode du président.
La sortie de la crise sociale "va durer longtemps" et "ne se fera pas en trois annonces", avait prévenu ce dernier, fin mars. Des sondages ont montré que les "gilets jaunes" - qui se sont déjà donné rendez-vous pour un 23ème samedi de mobilisation à Paris - comme une majorité de Français, ne s'attendent pas à ce que le grand débat puisse répondre à la crise. La pression est donc maximale pour cette allocution, censée relancer un quinquennat en perte de vitesse.