Plusieurs milliers de Kurdes ont manifesté samedi à Paris pour réclamer "vérité" et "justice" sur l'assassinat en 2013 dans la capitale française de trois militantes kurdes, dénonçant le "silence" des autorités françaises sur cette affaire.
"Déni de justice". "Cinq ans de silence, cinq ans de déni de justice, cinq ans d'impunité", a proclamé une grande banderole montrant les portraits souriants des trois militantes et portée en tête du cortège par plusieurs femmes kurdes aux visages graves. "Erdogan, assassin !", a scandé à de nombreuses reprises la foule au lendemain de la visite à Paris du président turc Recep Tayyip Erdogan, reçu par son homologue français Emmanuel Macron. Ce défilé dans les rues de Paris a réuni des manifestants venus de plusieurs pays européens, en particulier d'Allemagne.
Il y a cinq ans, le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz, 54 ans, une des fondatrices du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Fidan Dogan, 28 ans, et Leyla Saylemez, 24 ans, ont été assassinées de plusieurs balles dans la tête au siège du Centre d'information du Kurdistan, dans le 10ème arrondissement de Paris. Dans cette affaire, le seul suspect, le Turc Omer Güney, est mort fin 2016 en prison avant de comparaître.
"Implication" des services secrets turcs. Les enquêteurs français avaient pointé "l'implication" de membres des services secrets turcs, le MIT, dans ce triple assassinat, sans désigner de commanditaires. Des médias turcs avaient notamment diffusé un document présenté comme un "ordre de mission" du MIT pour Omer Güney. Mais le MIT avait officiellement démenti toute implication en janvier 2014.
"On nous cache des choses". Ali Dogan, 33 ans, frère de Fidan Dogan, a confié à l'AFP en défilant samedi aux côtés d'autres membres des familles des militantes "n'avoir plus d'espoir" en la France sur ce dossier. "J'ai regardé à la télévision la conférence de presse entre Erdogan et M. Macron [vendredi], c'est triste que le président n'ait pas évoqué l'assassinat de ma sœur. On a l'impression qu'on nous cache des choses et que la France n'a pas voulu divulguer des informations pour préserver ses intérêts" par rapport à la Turquie, a-t-il déclaré.
Une "provocation". Agit Polat, représentant du Conseil démocratique kurde en France (CDK), organisateur de cette manifestation, a notamment dénoncé le fait qu'aucune des familles des victimes "n'aient été reçues en cinq ans par les autorités françaises". De son côté, Didier Le Reste, élu du Parti communiste français (PCF) au Conseil de Paris pour le 10ème arrondissement, qui a participé aux côtés d'autres élus PCF à la manifestation, a estimé que la réception à Paris de Recep Tayyip Erdogan la veille de ce rassemblement était une "provocation vis-à-vis du peuple kurde et des familles des militantes assassinées".