C'est un professeur de philosophie d'un calme olympien qui prend la plume dans "Lettre d'un hussard de la République", livre publié chez Stock, et la parole jeudi matin au micro de Sonia Mabrouk sur Europe 1. Didier Lemaire, enseignant dans un lycée de Trappes pendant 20 ans, menacé de mort après avoir dénoncé l'islamisation de sa ville à la suite de l'assassinat de Samuel Paty, ne change pas de discours. Selon lui, "il faut sortir du déni" sur l'islamisme et "prendre la mesure de ce qui se passe".
"On pourrait aller rapidement vers des situations de guérilla"
Et ce qui se passe, explique-t-il, c'est "la diffusion" de "l'idéologie" islamiste "partout en France", y compris "dans des petites villes de province". Selon celui qui n'enseigne plus aujourd'hui, certains enfants dans ces milieux-là "ne se sentiront pas Français, vont être nourris par une haine et un ressentiment contre notre pays", ce qui ne peut avoir que des conséquences tragiques. "On pourrait aller très rapidement, dans les mois ou années prochaines, vers des situations de guérilla", affirme Didier Lemaire. "Passer d’un jihadisme d’atmosphère individuel à un jihadisme d’atmosphère collectif."
Le professeur reprend-là les termes utilisés par Gilles Kepel, spécialiste de l'islam. Et précise sa pensée : "J'ai pu observer dans mes classes que les atteintes à la laïcité étaient d’abord individuelles, puis collectives." Car il y a eu, souligne l'enseignant, un glissement. Après les attentats du 11 septembre, "très peu d'élèves soutiennent" les auteurs "mais la parole [pro-terroristes islamistes] se libère" déjà. Quatorze ans plus tard, "ce sont des classes entières qui ne manifestent pas le moindre soutien pour Charlie Hebdo", assure Didier Lemaire.
C'est cela que le professeur a voulu dénoncer publiquement. Encore aujourd'hui, il martèle qu'il n'a reçu que très peu de soutien de sa hiérarchie. "Quelques collègues m’ont soutenu mais dans l’ensemble la crainte l’a emporté. On m’a dit 'tais-toi, tu nous fais peur, on ne veut pas vivre dans la peur'."
Une occasion manquée après l'assassinat de Samuel Paty
Selon Didier Lemaire, l'exécutif a manqué une occasion de taper du poing sur la table après l'assassinat du professeur Samuel Paty. "Il y avait une occasion mais le gouvernement a fait un autre choix, celui d'un hommage qui en restait simplement à l'émotion, sans s'engager dans ce combat" contre l'islamisme. "Il y a urgence [à avoir] un plan pour refonder l'école, pour que la justice soit effectivement rendue." Car son cas n'est pas isolé, clame-t-il. "Aujourd'hui, un certain nombre de professeurs sont menacés de mort par des parents d'élèves, dont certains sont fichés S ou repris de justice. Il n'y a aucune protection pour ces collègues, rien. Le fiché S a été jugé et a pris six mois de sursis."
Si aujourd'hui Didier Lemaire n'exerce plus, c'est parce qu'il s'est engagé en politique, au parti républicain solidariste, ce qui selon lui est incompatible avec l'enseignement de la philosophie. Mais aussi parce qu'il ne se sent pas en sécurité. "Ce serait prendre un risque considérable pour ma vie."