Les enseignants et autres personnels de l'Education nationale, exaspérés par la valse des protocoles sanitaires liés au Covid-19, se sont mis massivement en grève jeudi et ont manifesté pour demander des avancées au gouvernement, qui leur a promis des masques FFP2 et des remplaçants.
A l'issue de cette journée de grève, les syndicats enseignants ont été reçus par le Premier ministre Jean Castex. Après trois heures et trente minutes d'une réunion à laquelle participaient aussi le ministre de la Santé Olivier Véran en visioconférence et le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer, celui-ci a annoncé la mise à disposition de "cinq millions de masques FFP2" pour les enseignants de maternelle sur demande, et la distribution de masques chirurgicaux à partir du début de la semaine prochaine pour les personnels de l'éducation.
3.300 contractuels supplémentaires
Il a promis par ailleurs "plusieurs milliers" de remplaçants "pour faire face à la crise", avec le recrutement de "3.300 contractuels de plus" et le recours aux listes complémentaires, c'est-à-dire aux candidats qui ont eu le concours mais n'ont pas été recrutés, une demande de longue date des syndicats. Face aux perturbations engendrées par la crise sanitaire, les évaluations de "mi-CP", qui devaient commencer la semaine prochaine, seront, elles, "reportées à un délai qui reste à définir".
Quant aux épreuves de spécialités du bac, qui normalement ont lieu en mars, le ministre a indiqué qu'il allait "faire une analyse là encore avec les organisations représentatives" pour "voir s'il est opportun d'avoir un report de ces épreuves de mars vers le mois de juin". "On a obtenu des avancées concrètes. Maintenant, il faut que les actes suivent", a déclaré à l'AFP Guislaine David, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, à l'issue de cette réunion. "Ça ne répond pas à tout mais on voit que nous n'avons pas fait grève pour rien", a-t-elle ajouté.
"Des réponses plus solides", saluent les syndicats
"Le ton a changé, c'est le résultat de la forte mobilisation du jour", s'est également félicitée Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire. "On jugera sur pièce". "On a des réponses plus solides, crantées par le Premier ministre", a renchéri Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa, alors que la tenue désormais de réunions bimensuelles avec les organisations syndicales a aussi été décidée jeudi. La tension était montée avant cette journée de mobilisation, avec un ministre de l'Education autrefois bon élève du gouvernement et aujourd'hui dans la tourmente.
Près de 78.000 personnes (77.500) ont manifesté en France jeudi, dont 8.200 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur, à l'appel de l'ensemble des syndicats de l'Education nationale, qui dénonçaient "une pagaille indescriptible" en raison des protocoles sanitaires.
38.5 % de grévistes pour le ministère, 75% pour les syndicats
Près de 38,5% des enseignants se sont mis en grève dans les écoles maternelles et élémentaires, selon le ministère de l'Education, et 75% selon le SNUipp-FSU, qui a annoncé une école sur deux fermée et évoqué "une mobilisation historique". Dans les collèges et lycées, 23,7% des enseignants étaient mobilisés, selon le ministère. Le Snes-FSU a lui avancé le chiffre de 62% de grévistes.
A Paris, des enseignants mais aussi d'autres personnels de l'Education nationale, infirmières, personnels de vie scolaire ou, fait plus rare, inspecteurs et chefs d'établissements ont défilé dans le cortège, où avaient pris part aussi les candidats de gauche à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo et Christiane Taubira.
"L'exaspération" des changements de protocoles
"C'est l'épuisement, l'exaspération après 22 mois de crise sanitaire, des modifications incessantes qu'on peut parfois comprendre, mais il faut une meilleure communication", a expliqué à l'AFP Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du principal syndicat des chefs d'établissement (SNPDEN). "Trois protocoles en dix jours, c'est n'importe quoi. On ment aux parents, car c'est une garderie qui est ouverte actuellement", a témoigné Anne Gau-Segonzac, 59 ans, directrice d'une école élémentaire de Montrouge (Hauts-de-Seine).
A Lyon, la manifestation a rassemblé plus de 3.000 manifestants selon les syndicats, 2.200 selon la police. "Les directeurs sont épuisés, les assistants sont perdus, on ne comprend plus rien aux protocoles, on en a ras-le-bol d'enseigner dans ces conditions", a résumé Julie Merlin, 28 ans, institutrice en maternelle depuis deux ans à Vénissieux.
Quelques milliers de manifestants dans les grandes villes
A Bordeaux, où quelque 3.000 personnes ont manifesté selon les organisateurs, 1.900 selon la préfecture, des manifestants ont accroché aux grilles du rectorat les masques en tissu fournis par l'Education nationale sur lesquels ils ont écrit des messages comme "Blanquer démission". Environ 2.000 manifestants ont défilé à Montpellier selon la préfecture, et 1.500 à Lille, derrière une bannière "Si l'école tousse, la République s'étouffe". A Rennes, ils étaient 4.500 selon les organisateurs, (2.200 selon la police) et à Marseille, où les affiches "école fermée" étaient nombreuses sur les portes des établissements, 2.200 selon la police.
Au-delà des professionnels de l'éducation, les mouvements lycéens FIDL, MNL et La Voix lycéenne, ainsi que la FCPE, première organisation de parents d'élèves, avaient rejoint la mobilisation, et des parents ont affiché leur soutien à la grève. "Je comprends l'exaspération des enseignants", assurait Carine, une mère d'élève, devant une école élémentaire du nord-est parisien. "C'est vrai que c'est pénible, je comprends que le personnel en a marre", estime également François Lordenimus, parent d'élève de Caluire-et-Cuire (Rhône).