>>> Edouard Philippe reçoit les partenaires sociaux lundi et mardi à Matignon pour parler une nouvelle fois de la réforme des retraites. Et à dix jours de la grande grève du 5 décembre, toutes les options sont toujours sur la table. En attendant, les membres du gouvernement s’attachent à critiquer le mouvement pour le rendre impopulaire. Cela pourrait marcher, estime notre éditorialiste Nicolas Beytout.
On est toujours dans le flou en ce qui concerne les intentions réelles du gouvernement : quand, comment, à qui et à quel rythme devra s’appliquer la réforme ? Entre la "clause du grand-père", l’âge pivot, la réforme systémique ou paramétrique, le gouvernement jongle avec les concepts et les termes plus ou moins hermétiques, sans que rien de précis ne se dégage.
C’est bien sûr une façon de garder les mains libres en fonction de l’importance des blocages du 5 décembre. Et ça lui permet de faire de la politique plutôt que de débattre de la technique et du détail de la réforme. Et de la politique, il en fait de plus en plus en multipliant les signaux en direction de l’opinion publique. Car c’est elle, l’opinion publique, qui est la donnée essentielle dans cet affrontement qui se prépare.
Les Français contre les "privilégiés"
La stratégie du gouvernement, c’est d’expliquer à la majorité des Français que les grévistes sont des privilégiés qui défendent leurs avantages au détriment du reste de la population. C’est Emmanuel Macron qui déclarait vendredi que les régimes spéciaux étaient "d’une autre époque", et c’est Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale, proche parmi les proches, qui affirmait dimanche que les grévistes se mobilisaient en réalité "pour conserver des inégalités".
Réforme au nom de la justice d’un côté, maintien de régimes injustes de l’autre. Bon, les choses sont claires : l’Elysée essaye de construire une opposition entre ceux qui veulent continuer à partir à la retraite avant 60 ans et les autres. Entre ceux qui vont payer les pots cassés de la grève, qui vont être pris en otage par la SNCF ou la RATP, et puis les "privilégiés" de ces entreprises-là.
Risqué, mais ça peut marcher
Alors, bien sûr, c’est une stratégie assez risquée. D’abord parce que c’est une façon de monter des Français les uns contre les autres. Et dans cette France que l’on sait fracturée, ce n’est pas anodin. En tout cas, c’est exactement l’inverse de ce que le gouvernement avait fait au moment de la réforme du statut de la SNCF, au printemps de l’an dernier, où le discours officiel, c’était que les agents SNCF n’étaient pas des privilégiés. Et c’est d’ailleurs comme ça que tous les gouvernements ont toujours choisi de faire dans ce genre de circonstance.
Une stratégie risquée donc, mais qui peut marcher. Parce que cette fois les Français savent que le système de retraite doit absolument être réformé. La prise de conscience est faite. Cette fois, les choses sont simples : le pari de ce gouvernement, majoritairement impopulaire, c’est de rendre les grévistes encore plus impopulaires que lui.