Jusqu’ici tout va bien. Mais ce n’était pas écrit et on peut dire que le Premier ministre a réussi sa période d’essai sous la surveillance extrêmement serrée de l’Elysée. Je peux vous dire qu’Emmanuel Macron a regardé, disséqué, évalué les deux passages au 20 heures de son Premier ministre et sa conférence de presse de présentation de la réforme du Travail.
La pression sur Edouard Philippe est à la mesure de l’attente du président. Pourquoi un tel enjeu ? Parce que dans l’architecture bâtie par Emmanuel Macron, le Premier ministre doit s’exposer, en première ligne, il assume et conduit la politique du gouvernement au sens plein.
"Il tient la maison". On en revient, comme souvent avec le nouveau président, à la lettre de la cinquième République : en substance, le Premier ministre est là pour protéger le président et pas l’inverse, à rebours de la pratique de Nicolas Sarkozy avec son "collaborateur" François Fillon, et de François Hollande parlant sur tous les sujets plusieurs fois par jour. Verdict d’Emmanuel Macron au terme de la période d’essai : "Edouard Philippe fait le job, il tient la maison". Ce sont les mots du président.
Un potentiel rival. En pleine lune de miel, le duo est harmonieux. Mais c’est à l’épreuve des crises que la solidité du couple exécutif sera réellement éprouvée. Et puis il y a un risque dans la pratique installée par Emmanuel Macron : en l’exposant fortement, en lui accordant les attributs d’un Premier ministre fort, il offre à Edouard Philippe les habits d’un potentiel rival. Comme lui, Edouard Philippe est jeune, comme lui, il apparaît neuf, il est habile communicant, il incarne une forme d’autorité. Si, de surcroît, il conduit avec succès la très délicate réforme du travail, comment être sûr que son ambition ne finira pas par l’emporter sur sa loyauté ?
Manuel Valls fut longtemps surnommé monsieur loyal avant de pousser le président à s’effacer. Emmanuel Macron en est conscient : il a sans doute encore en mémoire les mots d’Edouard Philippe à son endroit pendant la campagne qui le décrivait en "tribun adepte d’un populisme désinvolte qui n’assume rien mais promet tout, avec la fougue d’un conquérant juvénile et le cynisme d’un vieux routier".