Des montagnes suisses à celles de l’Auvergne. Au lendemain de son passage au très cossu Forum économique de Davos, Emmanuel Macron se rend dans la région de Clermont-Ferrand pour un déplacement qui fleurera bon, à dessein, la ruralité. Après la visite d’une ferme aux Violettes, il prononcera à Saint-Genès-Champanelle ses vœux au monde agricole. Une première pour un président de la République - ce que l’Elysée souligne à l’envi - qui doit être l’occasion pour lui de donner sa vision de l’agriculture, alors que sera présenté le 31 janvier prochain en Conseil des ministres le projet de loi né des Etats généraux de l’alimentation.
Le constat : un modèle "totalement dépassé"
Histoire de baliser au mieux ce déplacement et de préparer le terrain aux annonces, Christophe Castaner a dressé un constat alarmiste mercredi lors de la séance de questions au gouvernement. "Nous devons avec (les paysans) moderniser nos exploitations agricoles, leur donner les moyens d'une transformation en profondeur d'un modèle agricole qui est totalement dépassé", a asséné le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement.
Alors dans son discours, Emmanuel Macron va "décliner sa vision pour une transformation en profondeur de l'agriculture française" afin de lui faire "retrouver la voie vertueuse de la valeur", a annoncé l’Elysée. Il pourrait aussi, au passage, répondre aux critiques de l’opposition, Laurent Wauquiez en tête, qui accuse le chef de l’Etat de parisianisme et de "mépris pour la France des territoires". Le président d’Auvergne-Rhône-Alpes ne sera toutefois pas sur ses terres pour accueillir le président Macron, tout occupé qu’il est à préparer sa participation à L’Emission politique, jeudi soir sur France 2.
Un projet de loi aux contours encore flous
Du projet de loi que présentera le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert le 31 janvier, on ne sait pas encore grand-chose. Le but, concernant le monde paysan, est lui connu. "Nous avons l’objectif de permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail", a déclaré le ministre de l’Agriculture mardi dans Le Parisien. Dévoilant au passage deux mesures concernant la grande distribution : la limitation des promotions des produits alimentaires à hauteur de 34 % de la valeur totale, et le seuil de revente à perte. Il sera relevé de 10 %. Ces deux points doivent permettre aux agriculteurs de ne plus être ceux sur qui les enseignes pratiquent la marge la plus importante.
Mais Emmanuel Macron devra évidemment aller plus loin. En octobre 2017, précisément devant les Etats généraux de l’alimentation, il avait plaidé pour un regroupement plus fréquent des agriculteurs en organisations. Il avait aussi mis l’accent sur la qualité, valorisation les indications géographiques, les labels, le bio ou encore le bien-être animal. Toute chose qu’il devrait répéter et préciser jeudi après-midi.
Le monde paysan met la pression
Une chose est sûre, Emmanuel Macron est très attendu, alors même que les acteurs du secteur sont dans l’expectative. Bernard Lannes, président de la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, espère ainsi que le chef de l'Etat "parlera clairement de ce qu'il compte faire avec la loi" et en donnera "les grandes orientations". Souhaitant que celle-ci soit "mise en application très vite", Christiane Lambert, présidente de la FNSEA (premier syndicat), réclame que "M. Macron rappelle à l'ordre" les distributeurs, qui "ont totalement quitté l'état d'esprit des Etats généraux" dans les négociations commerciales avec les producteurs. Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, appelle lui le chef de l'Etat à "ne pas lâcher sur sa volonté de faire changer de cap à l'agriculture".
Le président de la République avait promis pendant la campagne présidentielle un plan d'investissement de 5 milliards d'euros pour l'agriculture. Mais les syndicats se demandent si les producteurs les plus fragiles en bénéficieront alors que le nombre de défaillances d'exploitations continue d'augmenter. "70% des agriculteurs sont dans le rouge", selon la Coordination rurale.