Tout juste nommé à Matignon, Michel Barnier essuie samedi les tirs croisés de la gauche, qui a appelé à manifester dans des dizaines de villes pour dénoncer "un coup de force" à l'appel de La France insoumise, et du Rassemblement national, qui dit placer le nouveau Premier ministre "sous surveillance". Le Premier ministre a également effectué son premier déplacement depuis sa nomination, ce jeudi, à l'hôpital Necker à Paris.
Avec quelque 150 mobilisations prévues dans la toute la France, la gauche, LFI en tête, a choisi la rue comme tour de chauffe d'un automne politique qui s'annonce brulant. "Déni de démocratie", "les Français n'ont pas voté pour ça", "qu'il (Macron) démissionne": dans les cortèges, les mêmes mots, souvent, pour dire l'indignation, la rancoeur et la colère face à la nomination du LR Michel Barnier comme Premier ministre, un poste qu'Emmanuel Macron a refusé à Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front Populaire (NFP), arrivé en tête lors des législatives anticipées de juillet.
Les informations à retenir :
- Plusieurs manifestations se déroulent partout en France contre "le coup de force de Macron"
- Michel Barnier a effectué son premier déplacement officiel à l'hôpital Necker à Paris
- Le Premier ministre a répondu aux propos de Jordan Bardella, affirmant qu'il était "sous la surveillance de tous les Français"
- Jean-Luc Mélenchon a assuré que son parti votera "la censure d'un tel gouvernement à l'Assemblée nationale"
Le RN ne participera pas "au désordre institutionnel et au chaos démocratique", assure Bardella
Le président du Rassemblement national Jordan Bardella a assuré samedi ne pas vouloir participer "au désordre institutionnel et au chaos démocratique" en renversant d'emblée le futur gouvernement de Michel Barnier, avec qui il n'a eu "aucune discussion directement".
Le nouveau Premier ministre, "je le jugerai sur pièces, ce qui ne sous-entend pas qu'il n'y aura pas de censure durant son action", a précisé M. Bardella sur TF1. "Si en revanche, il est le nouveau prête-nom du macronisme et qu'il poursuit la politique qui a été conduite par Emmanuel Macron et qui a été très sévèrement sanctionnée dans les urnes en juillet dernier, alors ce gouvernement tombera", a-t-il menacé.
110.000 manifestants en France selon la préfecture, 300.000 selon les organisateurs
Un total de 110.000 personnes ont manifesté samedi en France, dont 26.000 à Paris, à l'appel notamment de La France Insoumise pour dénoncer le "coup de force de Macron", a indiqué le ministère de l'Intérieur.
Quelque 150 mobilisations étaient prévues dans toute la France, selon les organisateurs qui ont revendiqué 300.000 manifestants en France et 160.000 à Paris.
Un rassemblement sans aucun affrontement à Paris
L'ambiance est désormais très calme dans les rues de la capitale avec les derniers manifestants qui quittent la place de la Nation. Partis à 14h40 de la place de la Bastille, il aura fallu un peu plus de deux heures au cortège pour parcourir les deux kilomètres du tracé. Une manifestation qui s'est déroulée sans accroc malgré la présence de plusieurs groupes de black-blocks dans le cortège, enroulés dans des drapeaux palestiniens ou aux couleurs du groupuscule d'extrême gauche Action Antifasciste. Ils ont scandé plusieurs slogans anti-forces de l'ordre, repris en chœur par le reste des manifestants.
Dans la foule, plusieurs pancartes brandies appelant à la démission du nouveau Premier ministre, Michel Barnier, et appelant aussi à la destitution du chef de l'État, voire même le tournant en ridicule. Sur plusieurs d'entre elles, Emmanuel Macron était représenté coiffé d'un bonnet de bouffon du roi. Sur le passage du cortège, un peu de casse : des abribus dégradés, des enseignes taguées et des poubelles incendiées. Mais aucun affrontement avec le très important dispositif de police déployé pour encadrer la manifestation.
3.500 personnes dans le cortège marseillais
La manifestation aura durée un peu plus de deux heures dans la cité phocéenne. 3.500 personnes dans le cortège, selon la préfecture de police, et des électeurs du Nouveau Front populaire qui sont venus dire toute leur colère, comme Philippe et Patricia, bientôt à la retraite. Ils ont du mal à joindre les deux bouts et ils ne veulent plus de politique macroniste : "On est là pour que Macron s'en aille vite, très vite parce qu'on en a marre de ce président". Concernant la nomination de Michel Barnier : "Il ne fera pas mieux que Gabriel Attal. Il va faire la même politique que Macron va lui demander".
Dans le cortège, des drapeaux écologistes, communistes, insoumis, mais également palestinien et des slogans "Macron démission", "Barnier, Premier ministre des banquiers". Un dégoût général que porte Julie, 43 ans : "J'ai voté le 7 juillet pour le Nouveau Front populaire qui a obtenu, non pas la majorité absolue, mais la majorité dans notre Assemblée. Et aujourd'hui, on a un Premier ministre de droite. Tout ça pour ça. Il aurait pu nous chier dessus tout de suite, on aurait gagné deux mois. Excusez-moi, mais il y a beaucoup de colère. Je suis grossière mais je trouve qu'on est en train de vivre un moment qui est hallucinant en fait".
Et Julie compte bien rester mobilisée. Elle sera présente, mardi 10 septembre, pour une nouvelle manifestation, avec cette fois-ci, les syndicats d'enseignants.
26.000 manifestants à Paris, selon la préfecture
Quelque 26.000 personnes ont manifesté samedi à Paris à l'appel notamment de La France insoumise pour dénoncer "le coup de force de Macron", a indiqué à l'AFP la préfecture de police. Cinq personnes ont été interpellées, pour port d'arme prohibé, jets de projectile et dégradations lors de cette manifestation qui s'est élancée vers 14H30 de la place de la Bastille en direction de Nation, a ajouté la préfecture de police. Les Insoumis ont revendiqué 160.000 manifestants dans la capitale.
"Je suis sous la surveillance de tous les Français"
Suite à sa première visite officielle, à l'hôpital Necker, à Paris, le Premier ministre, Michel Barnier, a déclaré qu'il n'était "pas là pour faire des effets d'annonces ou de l'esbroufe, mais il faut comprendre pour agir, il y a des progrès à faire dans l'organisation, des économies à faire. Je continuerai d'essayer de comprendre pour agir". Il a réaffirmé que "la santé publique sera une priorité du gouvernement".
Il a également répondu aux propos de Jordan Bardella. Le président du Rassemblement national avait dit ce samedi matin que Michel Barnier était un "Premier ministre sous surveillance" et affirmant aussi que "rien ne peut se faire sans le RN". Le Premier ministre a dit qu'il était "sous la surveillance de tous les Français. Le gouvernement est sous la surveillance démocratique de tous les Français et de tous les groupes politiques"".
"Quoiqu'il arrive, nous voterons la censure d'un tel gouvernement à l'Assemblée nationale"
La colère exprimée dans les manifestations est d'abord tournée contre Emmanuel Macron et son "coup de force démocratique", selon les mots des initiateurs de la marche, furieux de ne pas voir nommée à Matignon Lucie Castets, candidate d'une gauche unie forte de 193 députés. "La démocratie, ce n'est pas seulement l'art d'accepter d'avoir gagné, c'est aussi l'humilité d'accepter de perdre", a ainsi lancé le patriarche Insoumis Jean-Luc Mélenchon à l'adresse d'Emmanuel Macron, juché sur un camion dans le cortège parisien.
"Il n'y aura pas de pause, je vous appelle à une bataille de longue durée", a-t-il également lancé à la foule, se réjouissant de la mobilisation sur les "140 marches" revendiquées ce samedi dans le pays. Le choix de Michel Barnier, issu de la droite, a renforcé la détermination des manifestants, même si la police n'anticipait qu'une affluence limitée (entre 4.000 et 8.000 personnes à Paris). Jean-Luc Mélenchon a également promis que son groupe allait censurer le gouvernement de Michel Barnier : "Quoiqu'il arrive, nous voterons la censure d'un tel gouvernement à l'Assemblée nationale".
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"Personne n'est dupe"
"Nous voyons qu'un pacte a été scellé entre la macronie, la droite et l'extrême droite", a pesté devant la presse la députée LFI Aurélie Trouvé, alors que fusaient dans la foule des "Macron démission". Si Michel Barnier a indiqué vendredi soir être prêt à travailler avec la gauche, "personne n'est dupe", a ajouté Aurélie Trouvé, qui n'a guère apprécié le discours de fermeté sur l'immigration du pensionnaire de Matignon, jugeant qu'il répétait "ce que l'extrême droite a toujours dit". L'initiative, lancée fin août par deux syndicats d'étudiants et de lycéens puis reprise en main par LFI, s'inscrit dans une stratégie de contestation plus large des Insoumis qui ont déposé également à l'Assemblée nationale une procédure de destitution du président de la République.
Mais les troupes mélenchonistes peinent à faire le plein de soutien à gauche : comme les grandes centrales syndicales, le PS n'a pas relayé l'appel à manifester samedi ; et seuls six élus écologistes et trois ultramarins ont paraphé, en plus des députés LFI, la proposition de destitution.
"Michel Barnier est un Premier ministre sous surveillance"
Mais la pression n'est pas venue que de la gauche samedi. Le président du Rassemblement national Jordan Bardella, en déplacement à la foire de Chalons-en-Champagne, a exigé de Michel Barnier que "les sujets du Rassemblement national" soient pris en compte par un futur gouvernement étiqueté comme "fragile".
"Je souhaite que le Premier ministre et le futur gouvernement puissent non seulement se mettre au travail, mais qu'ils puissent être attentifs aux exigences qui sont désormais les nôtres. Et je crois qu'à compter de ce jour, Michel Barnier est un Premier ministre sous surveillance (...) d'un parti politique qui est désormais incontournable dans le jeu parlementaire", a-t-il ajouté. Si le RN a jusque-là fait savoir qu'il jugerait M. Barnier "sur pièces", et n'entendait pas tenter de le renverser à l'Assemblée nationale avant de connaître le contenu de son programme, le ton s'est durci, le parti à la flamme capitalisant sur son contingent de 126 députés (142 avec les alliés d'Eric Ciotti). "Nous aurons sans doute un rôle d'arbitre dans les prochains mois et à compter d'aujourd'hui", a rappelé le chef du RN.
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Michel Barnier a reçu Élisabeth Borne à Matignon
Michel Barnier, lui, poursuit dans le même temps son installation à Matignon où il a reçu samedi matin sa prédécesseure Elisabeth Borne, avant de déjeuner à l'Assemblée nationale avec la présidente Yaël Braun-Pivet. En jeu, le casting gouvernemental, mais aussi - et surtout - l'élaboration de sa feuille de route pour les prochaines semaines, exercice hautement périlleux au vu de la fragmentation de l'Assemblée nationale.
Le Premier ministre a réservé son premier déplacement au Samu de Paris à l'hôpital Necker, où il se voudra "à l'écoute" des agents, a fait savoir son entourage. Arrivé vers 15H00, il participera notamment à une table ronde avec le personnel de santé, thème qui lui est cher, avant de s'adresser à la presse à l'issue de sa visite.