Les dés sont jetés. Près de dix mois après la réélection d'Emmanuel Macron, et plusieurs semaines de discussions et de négociations, Élisabeth Borne et le gouvernement ont présenté ce mardi à partir de 17h30 la tant attendue réforme des retraites. La Première ministre a annoncé le report de l'âge légal de départ, passant de 62 à 64 ans pour tous ceux nés après 1968 et non 65 ans, en 2030. La durée de cotisation pour obtenir une pension à taux plein sera allongée à 43 ans avant l'horizon 2027, et non 2035 comme elle l'avait été fixée lors de la dernière réforme Touraine.
Élisabeth Borne a pris la parole durant une vingtaine de minutes, avant de laisser sa place au ministre de l'Économie Bruno Le Maire, au ministre du Travail Olivier Dussopt et au ministre de la Transformation et de la Fonction publique Stanislas Guerini. Découvrez les principaux points à retenir.
Les principales informations :
- Élisabeth Borne et plusieurs ministres du gouvernement ont dévoilé la réforme des retraites
- L'âge légal de départ va passer de 62 à 64 ans en 2030, et non 65 ans
- Le gouvernement acte la fin des principaux régimes spéciaux
- Une pension minimum revalorisée de 100 euros pour tous les retraités
L'âge légal de départ fixé à 64 ans
Le gouvernement a décidé de fixer l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans en 2030 au lieu de 65 ans, confirmant les dernières tendances. L'âge légal sera progressivement relevé au rythme de trois mois par an à partir du 1er septembre prochain. Il sera donc fixé à 63 ans et 3 mois en 2027 à la fin du quinquennat, puis atteindra la cible de 64 ans en 2030.
Une retraite à taux plein après avoir cotisé 43 ans dès 2027
Cette réforme stipule qu'il faudra désormais avoir cotisé 43 ans dès 2027 au lieu de 2035 pour une retraite à taux plein. "Pour bénéficier de sa retraite à taux plein, il faudra, dès 2027, avoir travaillé 43 ans, durée de cotisation votée dans le cadre de la loi Touraine de 2014", qui avait fixé l'échéance à 2035.
Dispositif adapté pour les carrières longues
L'exécutif prévoit également un dispositif "adapté" pour les carrières longues. "Le dispositif de carrières longues sera adapté pour qu'aucune personne ayant commencé à travailler tôt ne soit obligée de travailler plus de 44 ans", précise l'exécutif.
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Fin des principaux régimes spéciaux
Selon le gouvernement, la réforme des retraites "actera l'extinction des principaux régimes spéciaux". "Les nouveaux embauchés à la RATP, dans la branche industries électriques et gazières et à la Banque de France" seront notamment affiliés au régime général pour la retraite, a précisé l'exécutif.
Une pension minimale de 1.200 euros
La réforme prévoit enfin que la pension de retraite, "pour une carrière complétement cotisée au Smic, ne pourra être inférieure à 85% du Smic net, soit environ 1.200 euros bruts par mois" dès cette année. Cela signifie que le minimum de pension augmente de 100 euros par mois pour une carrière complète.
La Première ministre a indiqué avoir "décidé d'intégrer" au projet également "la revalorisation des pensions des retraités actuels ayant eu une carrière complète au niveau du Smic", soit "près de deux millions de petites retraites". Précisant que cette mesure serait discutée avec les parlementaires, "en particulier" le groupe LR, Élisabeth Borne a dit que son "objectif" était de la voir figurer dans le projet de loi qui sera présenté en Conseil des ministres le 23 janvier.
Garantir "l'équilibre" du système des retraites
Au cours de sa prise de parole, Élisabeth Borne a précisé que ces différentes annonces devaient permettre de garantir "l'équilibre financier" du système des retraites en 2030. "Laisser s'accumuler" les "déficits serait irresponsable", a-t-elle estimé, assurant proposer un "projet de justice et un projet porteur de progrès social". La Première ministre a aussi affirmé que ce projet était à ses yeux "meilleur qu'il était il y a six mois" avant la concertation avec les partenaires sociaux et les forces politiques.
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Un "index seniors" obligatoire dans les grandes entreprises
Un "index" mesurant l'emploi des seniors devra être être mis en place obligatoirement pour les entreprises de plus de 1.000 salariés "dès cette année", et pour celles de plus de 300 salariés en 2024, a annoncé Elisabeth Borne en présentant la réforme des retraites. "Un index sera créé sur la place des salariés en fin de carrière. Cet index sera simple. Il sera public. Il permettra de valoriser les bonnes pratiques et de dénoncer les mauvaises", a fait valoir la Première ministre.
Borne se dit prête à "faire encore évoluer" la réforme des retraites au Parlement
Élisabeth Borne s'est dite prête à "faire encore évoluer" la réforme des retraites présentée mardi, "grâce à un débat parlementaire loyal et constructif". "Nous voulons le dialogue, nous l'avons montré ces derniers mois", a déclaré la Première ministre lors d'une conférence de presse. "Cette présentation n'est donc pas un point final", a-t-elle assuré.
Cette réforme sera en outre débattue au Parlement par l'intermédiaire d'un futur projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif. "Dans deux semaines, le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif (...) sera présenté en Conseil des ministres, puis débattu au Parlement", a relevé la cheffe du gouvernement, qui avait déjà dévoilé la date du 23 janvier pour la présentation de la réforme. Elle sera ensuite débattue début février à l'Assemblée nationale.
Une première journée de manifestations jeudi 19 janvier
Les huit principaux syndicats français ont annoncé mardi une première journée de grève et de manifestation, le 19 janvier, pour protester contre le projet du gouvernement de reculer l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Cette première journée doit "donne(r) le départ d'une puissante mobilisation sur les retraites dans la durée", affirment dans un communiqué commun ces huit syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU), dont les secrétaires généraux et présidents se sont réunis à la Bourse du travail mardi soir.
La réforme du gouvernement dégagera près de 18 milliards d'euros en 2030
La réforme des retraites présentée mardi par le gouvernement "apportera 17,7 milliards d'euros en 2030 aux caisses de retraites", a indiqué le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire. Les recettes dégagées grâce à la réforme, qui prévoit un décalage progressif de l'âge légal de départ à la retraite jusqu'à atteindre 64 ans en 2030, feront plus que compenser les "13,5 milliards d'euros" de déficit que le régime de retraite aurait connu en 2030 en l'absence de réforme.
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Selon ses calculs, l'exécutif disposera donc d'une cagnotte de 4,2 milliards d'euros pour financer des mesures d'accompagnement. Quelque 3,1 milliards d'euros serviront à financer les départs en retraite anticipés pour inaptitude ou invalidité, a détaillé Bruno Le Maire. Les mesures pour mieux prendre en compte la pénibilité et les carrières longues, couplées à la revalorisation des petites pensions pour les nouveaux retraités, coûteront pour leur part 1,7 milliard d'euros.
Une "réforme injuste" pour Le Pen, une "grave régression sociale" pour Mélenchon
Les premières réactions politiques n'ont pas tardé à arriver, peu après la présentation de la réforme des retraites. Ainsi, la finaliste de la dernière élection présidentielle Marine Le Pen (RN) entend "faire barrage" à une "réforme injuste".
Après avoir été élu grâce à la gauche et à la France insoumise, Emmanuel Macron va tenter désormais, avec le soutien de LR, de faire passer la retraite à 64 ans. Les Français peuvent compter sur toute notre détermination pour faire barrage à cette réforme injuste.
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) January 10, 2023
Le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a lui qualifié de "grave régression sociale" la réforme des retraites. "Report de l'âge de départ. Augmentation des annuités. Suppression des régimes spéciaux avantageux. La réforme #Macron #Borne c'est une grave régression sociale", a-t-il lancé sur Twitter.
Report de l’âge de départ. Augmentation des annuités. Suppression des régimes spéciaux avantageux. La réforme #Macron#Borne c’est une grave régression sociale. #ReformeDesRetraites
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) January 10, 2023
"La guerre sociale est déclarée", a lancé quant à lui le député insoumis Louis Boyard sur les réseaux sociaux.
La guerre sociale est déclarée : @Elisabeth_Borne vient d'annoncer la réforme des retraites. #StopRetraiteMacron
— Louis Boyard (@LouisBoyard) January 10, 2023
Pourquoi on a toutes et tous intérêt à la faire échouer. ⬇️
LR "satisfaits d'avoir été entendus", le Medef salue des "décisions responsables"
La droite se dit "satisfaite d'avoir été entendue" sur l'âge et les petites pensions, a affirmé Olivier Marleix, chef du groupe des députés Les Républicains (LR) à l'Assemblée. "Nous prenons acte que la Première ministre a entendu un certain nombre de demandes, la première et la plus importante est que le rythme ne soit pas brutal", a-t-il dit à la presse, affirmant que son groupe présenterait un amendement pour "une vraie clause de revoyure" une fois l'âge de départ porté à 63 ans et avant de "poursuivre le cas échéant à 64 ans".
Par ailleurs, le Medef a salué "les décisions responsables et pragmatiques" du gouvernement après l'annonce de la réforme des retraites, tout en restant "opposé au principe d'un index seniors" qui obligera les entreprises à publier la part de leurs salariés âgés. "Assurer l'avenir de ce pilier du modèle social du pays, tout en maintenant le pouvoir d'achat des actifs et des retraités, conduit nécessairement à travailler plus longtemps", affirme la première organisation patronale française dans un communiqué.