Qui succédera à Jean-Claude Juncker ? Les négociations s'annoncent laborieuses, quelques jours après les élections européennes, cette désignation devant à la fois satisfaire les 28 chefs d’État et de gouvernement qui poussent chacun en faveur d’un membre de leur famille politique, et un Parlement européen bien décidé à ne pas se laisser dicter son choix. Alors que le Conseil européen compte présenter un candidat d'ici au 21 ou 22 juin, Europe 1 vous présente les différents personnalités pressenties pour occuper ce poste clé de l’UE.
Manfred Weber, au cœur d’une lutte entre Macron et Merkel
Il est le candidat de la droite pro-européenne, qui a dès dimanche soir réclamé la présidence de la Commission, estimant avoir remporté les élections. En effet, le PPE demeurant la principale force au Parlement à l’issue du scrutin, l’Allemand de 46 ans est le prétendant légitime, si l’on s’en tient au système des "spitzenkandidaten", en vertu duquel les chefs d’État doivent choisir comme candidat le chef de file du groupe vainqueur des élections. C’est ce système qui avait d'ailleurs permis en 2014 la désignation du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.
Comment est désigné le président de la Commission ? Ce sont les 28 chefs d’État et de gouvernement de l’UE qui sont chargés de désigner un candidat au poste de président de la Commission, tout en tenant compte, en vertu du traité de Lisbonne, des résultats du scrutin. C’est ensuite au Parlement européen de valider ce choix à la majorité absolue, soit 376 voix sur 751. En cas de rejet, le Conseil européen doit présenter un nouveau candidat.
Siégeant à Bruxelles depuis quinze ans, Manfred Weber peut revendiquer une solide expérience d’élu européen, ainsi qu'une place centrale au sein de la droite européenne. Depuis 2014, c’est le Bavarois qui préside le groupe PPE. Il n’a en revanche jamais été ministre, ni commissaire européen.
Problème, Emmanuel Macron ne veut pas entendre parler des "spitzenkandidaten", et encore moins de Manfred Weber. Mardi, lors du dîner informel regroupant les 28 dirigeants de l’UE à Bruxelles, le président français n’a même pas prononcé son nom, se contentant d’une allusion à son manque d’expérience comme ministre ou commissaire. "Il nous faut des femmes et des hommes qui incarnent ce renouveau, qui ont l’expérience et la crédibilité qui leur permettent de porter ces missions et qui reflètent ces ambitions et les épousent", a-t-il cinglé.
Manfred Weber peut toutefois compter sur le soutien de la droite allemande, mais également de la chancelière Angela Merkel . "Nous soutenons notre candidat", a-t-elle rappelé mardi. Mais la capacité d’influence de la chancelière, tout comme celle du PPE, est affaiblie par la baisse du nombre de siège de la droite européenne. Le PPE a perdu 40 sièges dimanche, dont 20 pour la seule CDU-CSU.
Frans Timmermans, le favori de la gauche
Chef de file des socialistes européens, le diplomate néerlandais de 58 ans peut lui faire valoir une expérience certaine à la Commission, puisqu’il était le n°2 de Jean-Claude Juncker. Petit-fils de mineurs et ancien ministre des Affaires étrangères, il bénéficie du soutien des Pays-Bas, mais aussi de l’Espagne, du Portugal. Sa candidature est également portée par la victoire surprise des travaillistes dans son pays, qui ont obtenu six sièges et devancé les libéraux et les favoris populistes.
Lors du mandat de la commission sortante, Frans Timmermans s’est aussi distingué en étant en charge des procédures de sanctions contre la Pologne et la Hongrie, pour leurs atteintes à l’État de droit. Mais cette ligne à son CV devrait lui attirer les défaveurs de Viktor Orban et du Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki. Sans le soutien de la droite, le Néerlandais devra fédérer autour de sa candidature une coalition avec les Verts et les Libéraux.
Margrethe Vestager, la "Tax Lady" de l’UE
La Danoise ne cachait plus ses ambitions depuis plusieurs semaines. "Il est grand temps d’avoir une femme à la tête de la Commission européenne", avait-elle notamment prévenu début mai. Ancienne présidente du Parti social-libéral danois, mais aussi ex-ministre de l’Économie et de l’Intérieur, elle faisait partie de l’équipe des sept personnalités mises en avant par les Libéraux pendant leur campagne. Et ces derniers ont le vent en poupe après leur forte poussée lors du scrutin, désormais forts de 107 sièges au Parlement (sur 751 au total).
Lors de son mandat de commissaire européenne chargée de la Concurrence, elle s’est forgée une réputation de "dame de fer", en imposant des amendes records aux Gafa , dont une sanction de 13 milliards d’euros à Apple en 2016. Également connue en France pour s’être opposée à la fusion Alstom-Siemens, sa réputation a franchie les frontières européennes, le président américain Donald Trump l’ayant même surnommée "Tax Lady".
Comme pour Timmermans, sa candidature n’est pas écartée par Emmanuel Macron. Mardi soir, à Bruxelles, le président français a estimé que tous les deux avaient l’expérience et la crédibilité requises pour briquer la tête de la Commission.
Michel Barnier, l'alternative ?
Mais à son arrivée au sommet, Emmanuel Macron a glissé un autre nom : celui de Michel Barnier. Cela tombe bien, l’ancien ministre des Affaires Européennes de Jacques Chirac, s’il ne s’est pas officiellement déclaré, a clamé son envie d’"être utile", le 11 mai, dans Le Journal du dimanche.
Alors qu’aucun Français n’a dirigé la Commission européenne depuis Jacques Delors (1985-1995), le gaulliste a pour lui son incontestable connaissance des rouages de l’UE. Après avoir été deux fois commissaire européen, dont une fois au marché intérieur, Michel Barnier s’est attiré les louanges de ses partenaires en menant les négociations de l’UE avec le Royaume-Uni pour le Brexit.
Mais ne s’étant pas déclaré candidat pour le poste, il pourrait pâtir de la volonté des parlementaires de désigner un "spitzenkandidat". "Le PPE ne soutiendra pas un candidat qui ne s’est pas présenté avant le scrutin", a averti Manfred Weber.