C'est une clarification qui s'est opérée, mercredi soir, pour le deuxième débat organisé dans le cadre des élections européennes. Au terme de trois heures de discussions, animées par Europe 1 et CNews, la vision européenne des sept partis politiques invités, tous en lice pour l'élection du 26 mai, est apparue plus nettement. La République en marche!, la France insoumise, Europe Ecologie-Les Verts, le Parti socialiste, Les Républicains, le Rassemblement national et Debout la France ont pu, par l'intermédiaire de leurs chefs et représentants présents, exposer leurs idées, leurs préconisations et, plus largement, leur vision pour l'Europe.
Le Pen et Dupont-Aignan défendent l'Europe des Nations
Sans surprise, des lignes de fracture sont apparues entre Stanislas Guérini, Adrien Quatennens, David Cormand, Olivier Faure, Laurent Wauquiez, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan. Très nettement, d'abord, entre les deux derniers et tous les autres. La présidente du RN et le leader de Debout la France sont en effet favorables à une "Europe des Nations". "Les solutions pour demain, c'est de retrouver la puissance des Nations qui composent" l'Union européenne, a ainsi clamé Marine Le Pen. Pour elle, l'UE telle qu'elle est aujourd'hui est une "technostructure [qui] ne défend que les intérêts financiers. Et ça, on n'en veut plus." Et la députée, qui a passé le débat à commenter allègrement les interventions de ses adversaires avec force onomatopées, de poser une question rhétorique résumant son ambition au niveau européen : "Est-ce qu'on sauve l'Europe en tournant le dos à l'Union européenne et en fabriquant une Europe des Nations ?"
Nicolas Dupont-Aignan est sur la même ligne. Pour lui, le pouvoir européen est aujourd'hui concentré entre les mains de la Commission européenne (qui représente chaque État), de la Cour de Justice européenne et de la Banque centrale. Trois institutions qui ne sont pas élues par les citoyens européens, contrairement au Parlement européen. Une aberration démocratique que Nicolas Dupont-Aignan propose de résoudre en supprimant la Commission et en revenant à une "Europe des Nations libres et des projets concrets". Lui ne voit l'Union européenne que comme une suite de traités dont la France serait prisonnière, et dont il lui faut se libérer. Il souhaiterait qu'elle se résume à ces "projets à la carte", sur le modèle d'Airbus, mais que chaque pays garde la souveraineté de ses lois, sans avoir à décliner des directives européennes, et cesse de financer un budget européen. "C'est la seule Europe qui marche", a-t-il martelé.
.@dupontaignan : "Je ne fais pas confiance à ceux qui ont créé cette Union Européenne pour la changer, ils ne la changeront jamais et sont prisonniers des traités" #QFQEpic.twitter.com/xnfpG08a93
— Europe 1 (@Europe1) 10 avril 2019
Des fédéralistes qui gardent leurs divergences
En face, ou presque, on retrouve les européistes convaincus, ceux qui martèlent que l'Union européenne est une bonne chose, dont on ne doit pas sortir. C'est le cas de Stanislas Guérini, David Cormand et Olivier Faure. Si tous trois sont fédéralistes, cela ne signifie pas qu'ils soient d'accord sur tout, bien au contraire. De part leur sensibilité plus à gauche, les deux derniers ont d'ailleurs beaucoup attaqué la majorité et plaidé pour une inflexion des politiques européennes vers plus d'écologie, une Europe plus sociale et plus ouverte.
Des sujets comme l'immigration notamment, ou le Smic européen, ont opposé parfois frontalement Stanislas Guérini, cible préférée de l'intégralité de ses adversaires, et Olivier Faure et David Cormand. Les deux ont par exemple largement plaidé pour un accueil des réfugiés mieux organisé et plus massif au sein de l'Union européenne. Et pourfendu la proposition faite par Nathalie Loiseau, tête de liste LREM, de fixer un Smic européen équivalent, par pays, à la moitié du salaire médian (soit l'équivalent du seuil de pauvreté).
David Cormand a également plaidé pour une autre organisation des pouvoirs au sein des institutions européennes. "Ce qui est terrible, c'est le vide de souveraineté", a-t-il expliqué. "Ceux qui décident aujourd'hui ne sont pas les élus européens [les députés, donc] mais les chefs d'État [via la Commission], qui n'ont pas été élus pour ça. Le Parlement européen n'a pas le pouvoir qu'il devrait avoir. Il faut qu'il puisse avoir la responsabilité de mener des politiques. Si on veut changer l'Europe, il faut qu'elle soit plus démocratique." Du côté de Stanislas Guérini en revanche, la plaidoirie était d'abord en faveur d'une Union européenne plus efficace, "recentrée sur des projets prioritaires".
Quatennens et Wauquiez entre deux eaux
Entre les partisans de l'Europe des Nations et les européistes, Adrien Quatennens et Laurent Wauquiez adoptent des positions intermédiaires, par ailleurs très différentes l'une de l'autre. Le premier remet en cause des traités aujourd'hui fondateurs de l'Union européenne, notamment celui de Maastricht qui établit des règles budgétaires strictes et ce seuil des 3% de déficit à ne pas dépasser. "Dans le cadre de ces traités, l'Union européenne n'est pas la solution puisqu'elle est une partie du problème." Selon lui, il est impossible de protéger les droits sociaux ou de mener des politiques écologiques de grande ampleur en respectant ces règlements. "Entre écologie et traités, il faut choisir. Entre l'Europe et ces traités, il faut choisir", a martelé celui qui s'est défini comme un "héritier du 'non' au traité constitutionnel de 2005".
.@DavidCormand à propos de l'immigration dans le débat de ce soir : "On met un coup de projecteur là-dessus, quand on discute avec les gens en difficulté ce n'est pas ce sujet qui revient constamment" #QFQEpic.twitter.com/JkZg91TdZs
— Europe 1 (@Europe1) 10 avril 2019
Laurent Wauquiez, lui aussi, veut incarner une sorte de "troisième voie" entre les fédéralistes et les eurosceptiques. Il est moins exhaustif que ses concurrents sur ce qu'il entend réellement au niveau des institutions, mais l'addition de ses différentes propositions esquisse une Europe plus fermée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Pas question de parler d'élargissement, que ce soit de l'Union (aux pays des Balkans ou à la Serbie) ou de l'espace Schengen (à la Roumanie), l'heure est aux "double frontières". "Ce que nous proposons, c'est une double protection, européenne et nationale", a expliqué le leader de LR. "La France a le droit aussi de pouvoir contrôler et protéger ses frontières." En outre, la coopération européenne à la sauce Laurent Wauquiez doit avant tout servir à renforcer la surveillance des côtes, faciliter le renvoi des clandestins et constituer un "bouclier européen contre l'islamisme" en adoptant les mêmes règles dans tous les pays. Lui imagine une sorte d'entraide européenne pour, entre autres, couper les financements extra-européens aux cultes islamistes et empêcher les retours de djihadistes.