On ne peut pas retirer à Emmanuel Macron d’assumer ses propos. Lundi, le président de la République est ainsi revenu sur cette phrase prononcée vendredi à Athènes dans laquelle il fustige les fainéants, sans se dédire. Mon propos visait, a-t-il dit, "toutes celles et tous ceux qui depuis quinze ans disaient qu’on ne doit pas bouger en France et en Europe".
Le précédent du 26 février 2015. D’ailleurs, tenez-vous bien, pour ceux qui douteraient de la contorsion, il y a une preuve de la continuité de la pensée et du propos d’Emmanuel Macron. L’Elysée tient à disposition des journalistes date, citation et contexte d’un autre "fainéant" déjà prononcé, c’était le 26 février 2015 : ministre de l’Économie, il ne décolérait pas contre les frondeurs du PS qui l’empêchaient d’avoir une majorité sur sa loi. Au quotidien Le Monde, il lâchait : "je pense qu’il y a une politique de fainéants et il y a la politique des artisans". Lui se plaçant du côté des artisans, de ceux qui font, contre ceux qui ne font pas.
"Karcher", "racaille", "le bruit et l’odeur", "monde de la finance". Chacun appréciera ou pas, la bonne foi de l’explication. Mais, qu’importe. Ce mot-là, va vivre, survivre, et le marquer. La preuve ? Si je vous dis : "Kärcher", et "bande de racailles", à qui pensez-vous ? Nicolas Sarkozy, candidat en campagne sur la dalle d’Argenteuil puis à la Courneuve en 2005. La brutalité de la réplique fera la notoriété de la marque citée, et marquera un style de présidence.
Et "le bruit et l’odeur" ? Jacques Chirac en 1991, dans le discours dit d’Orléans, lui non plus pas encore président mais un soupçon de racisme latent qui va longtemps lui coller à la peau, jusqu’à inspirer d’ailleurs une chanson bien connue.
Dans un registre différent, si je vous dis "mon adversaire, c’est le monde de la finance" ? Bingo, discours du candidat Hollande au Bourget en 2012, l’expression sera l’un des sparadraps de son quinquennat, preuve pour certains de ses reniements.
Ce mot lui échappe déjà. Il y a des mots qui restent, qui tâchent et parfois entachent des quinquennats entiers. Emmanuel Macron le justifie pour dire sa volonté de réforme. Mais ce mot déjà lui échappe. Dans notre mémoire sémantique, il vient s’ajouter à d’autres prononcés par lui, les "illettrés" de Gad, les "alcooliques" du Nord, "ces gens qui ne sont rien", il dit sans doute un peu de son arrogance, au minimum vis-à-vis de ses prédécesseurs. Ce mot le contraint enfin à ne jamais reculer, sauf à tomber à son tour dans cette catégorie honnie des fainéants, ceux qui feignent de travailler.
Gageons que dès aujourd’hui, dans les cortèges des manifestants, le mot "fainéant" va commencer à vivre sa vie, en slogans et en chansons.