carburant 6:00
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Maud Descamps, Jacques Serais et Manon Fossat
Après 10 jours d'hésitation, le gouvernement a fini par trancher. L'aide accordée aux Français pour faire face à la hausse des prix du carburant sera donc une "indemnité inflation" de 100 euros. Elle sera versée automatiquement à tous ceux gagnant moins de 2.000 euros nets par mois à partir de décembre, soit 38 millions de Français.
DÉCRYPTAGE

Le Premier ministre Jean Castex a annoncé jeudi la mise en place d'une "indemnité inflation" de 100 euros pour faire face à la hausse des prix du carburant. Cette aide sera versée automatiquement à chaque Français gagnant moins de 2.000 euros nets par mois, qu'ils soient salariés, retraités, indépendants, étudiants, boursiers ou fiscalement autonomes. Les premiers paiements débuteront en décembre et s'étaleront jusqu'en février. Une option qui va dans le sens de Bercy, foncièrement opposée à l’idée d’une baisse de la fiscalité qui avait le défaut de concerner tout le monde, sans distinction de revenus. Mais avec ce "chèque inflation", ce sont tout de même 38 millions de Français qui sont concernés.

Le mode d'emploi de cette indemnité inflation

Cette somme va être directement versée sur leur compte en banque. Pour les salariés, par exemple, tout passera par l'employeur. Et pour les indépendants, via l'Urssaf. La prime est défiscalisée, donc aucun impôt ne sera prélevé dessus. Certaines entreprises s'emparent même du sujet, à l'image du patron des magasins carrefour, Alexandre Bompard, qui a annoncé qu'il doublerait cette "indemnité classe moyenne" auprès de 85.000 salariés.

La prime plutôt que le chèque carburant : les coulisses de la décision

Si l'exécutif a fait le choix de cette "indemnité inflation", c'est parce que la consigne d'Emmanuel Macron se résumait en trois mots : lisibilité, clarté et cohérence. Et selon les informations obtenues par Europe 1, tout s'est joué jeudi. Mercredi le chef de l'Etat déjeunait avec le Premier ministre, et lors de ce repas au sommet, juste après le conseil des ministres, la baisse des taxes sur le carburant a été écartée. Elle était en effet jugée comme "pas assez ciblée" par le couple exécutif, et trop lourde pour les finances publiques. L'idée d'un "chèque carburant" à destination uniquement des automobilistes a également été mise de côté. Une "usine à gaz", "trop compliqué" à mettre en œuvre, rapporte un conseiller. Mercredi le message du président pour Bercy et Matignon était donc de retourner travailler.

Et c'est jeudi que cette "indemnité inflation" est sortie du chapeau et qu'elle a eu les faveurs du palais dans la mesure où elle rassemble les trois critères de la feuille de route présidentielle. Une option pilotée directement depuis l'Elysée, car toujours selon les informations d'Europe 1, jeudi le chef de l'Etat et son Premier ministre se sont entretenus tout au long de la journée, et ce même quelques minutes avant les annonces de Jean Castex.

"Pas une solution durable"

Pour l'opposition, cette mesure répond à l'urgence mais ne résout pas pour autant le problème de fond. C'est ce qu'a expliqué Damien Abad, président du groupe LR à l'Assemblée nationale, vendredi sur Europe Midi. "La réalité aujourd'hui de ce chèque, c'est que le gouvernement fait des chèques cadeaux à crédit alors que le pays est endetté", a-t-il jugé. "Nous proposions de baisser les taxes, ce qui a certes un coût, mais surtout un gros avantage, c'est que c'est une solution durable. Là, on va verser un chèque de 100 euros, mais si les prix à la pompe continuent de grimper, le problème sera le même pour les Français", a regretté le chef de file des députés LR.

Selon lui, cette proposition de la droite d'une baisse de la fiscalité "a quasiment le même coût" que le chèque introduit par le gouvernement. "Notre proposition était de baisser de 10 centimes d'euros le prix du carburant, ce qui représente à peu près 5 milliards d'euros, contre 4 milliards dans le cas de l'option de l'exécutif", a-t-il assuré. "En 2018 ce dernier a décidé d'augmenter les taxes donc depuis, 16 milliards d'euros ont été captés par l'Etat. Et aujourd'hui il faut tout simplement qu'il rende du pouvoir d'achat aux Français", a insisté Damien Abad.

S'attaquer à l'inflation

D'autant que pour lui, l'inflation observée ces derniers mois avec la reprise de l'économie n'est pas partie pour se calmer. "Le problème de cette politique de l'échec, c'est qu'on ne pourra pas s'en sortir à coups de chèque en permanence. On peut acheter la paix sociale pendant quelques mois, mais on ne résout pas les problèmes des Français. Donc il faut s'attaquer à cette inflation qui concerne les carburants, mais aussi l'électricité, le gaz et les produits alimentaires", a-t-il encore appelé.

Au risque d'en payer ensuite les conséquences sur le taux d'intérêt ou encore l'accès au logement. "Je demande au gouvernement de s'attaquer aux problèmes de fond sur sa politique énergétique, sur sa politique tarifaire, sur la question des salaires en France, sur celle du pouvoir d'achat...Tous ces sujets doivent être mis sur la table. Parce que pour l'heure, on a surtout un sparadrap sur une jambe de bois."