La composition du conseil d'administration de la Fondation pour l'Islam est désormais connue. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve lance lundi une "journée de consultation sur l'Islam de France". À cette occasion, il a accordé un long entretien au journal La Croix dans lequel il dégage les grandes lignes de son plan de refonte de l'Islam. On y apprend notamment que l'ancien ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, a accepté d’en prendre la présidence aux côtés de l'écrivain, Tahar Ben Jelloun, de l'islamologue, Ghaleb Bencheikh, du recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane et de la cadre chez Vinci Najoua Arduini-Elatfani, tous de confession ou de culture musulmane. Mais en quoi sont-ils des "personnalités qualifiées" comme le souligne Bernard Cazeneuve ?
- Tahar Ben Jelloun, écrivain et journaliste
L'écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun est docteur en psychiatrie sociale. Il a écrit dans les pages du Monde au service Livres dans les années 1970. À partir de ce moment-là, il ne cesse d'écrire des poèmes, des romans, des articles. En 1987, il reçoit le prix Goncourt pour son livre La nuit sacrée. Il a publié plus de cinquante ouvrages souvent traduits en arabe. Tahar Ben Jelloun s'exprime sur différents problèmes de société comme la situation dans les banlieues, ou le racisme.
Il a d'ailleurs publié un ouvrage pédagogique sur le sujet, Le racisme expliqué à ma fille (paru en 1998) qui a connu un immense succès. Plus récemment il a pris la parole dans Le Point, en juin 2016, en publiant une tribune intitulée Islamistes : ils ne sont pas fous! Il revendique sa position d'intellectuel engagé.
- Ghaleb Bencheikh, un islamologue réformateur
Fils d'un recteur de la grande mosquée de Paris, frère de l'ancien Mufti de Marseille, Ghaleb Bencheikh vient d'une famille d'érudits. Lui-même docteur en physique et philosophe de formation, ce Français d'origine algérienne n'en reste pas moins très attaché à la séparation du religieux et du politique. Il est convaincu que la théologie islamique doit être refondue pour s'adapter à la société actuelle.
"On continue d’utiliser l’outillage intellectuel de l’époque du Prophète, le 7ème siècle pour comprendre ce texte. Or on a aujourd’hui besoin des Sciences de l’Homme et de la Société pour élaborer l’Islam de l’humanisme et du progrès", affirme-t-il à Paris Match dans un entretien de janvier 2015. Il s'est fait connaître comme animateur de l'émission Islam diffusée sur France 2 et a repris à la mi-mai 2016, la production de l'émission Cultures d'Islam sur la radio FranceCulture.
- Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane
Surnommé "le grand persévérant de l'Islam" par Le Progrès en 2011, Kamel Kabtane est l'initiateur de la création de l'institut français de civilisation musulmane à Lyon, inauguré en 1994. Un projet qu'il a porté pour faire valoir sa vision de l'Islam comme faisait partie intégrante de la communauté française. En juin 2015, il confie au Journal du Dimanche être "atterré" par les attentats qui ont touché la France. "Paradoxalement, je pense que nous allons vers plus de compréhension, vers l'idée que l'islam est partie intégrante de la société française", ajoute-t-il.
Une idée qu'il continue de défendre après la décision du Conseil d'État de suspendre l'arrêté anti-burkini de vendredi dernier. "Cette décision de justice a symboliquement vocation à servir de modèle" et "les musulmans doivent être fiers de la France et de son État de droit", déclare-t-il dans un communiqué.
- Najoua Arduini-Elatfani, cadre supérieure chez Vinci Construction France
Ingénieur, la trentenaire française, née de parents marocains, est ingénieure en construction mais également présidente du Club XXIe siècle, une association pour la promotion des jeunes talents français issus de la diversité qui a vu passer dans ses rangs notamment Rama Yade et Fleur Pellerin. Musulmane, Najoua Arduini-Elatfani est très attachée à sa double culture. Elle retourne au Maroc une fois par an, apprend-on dans Libération.
Elle apparaît pour la première fois dans les médias en interrogeant le président Hollande sur le plateau de Des paroles et des Actes de France 2 en janvier 2015. "On [les musulmans] est citoyens avant tout", proclame-t-elle sans concessions. La jeune femme avait alors reçu des propositions pour se lancer en politique. Mais elle pensait avoir plus de marge de manoeuvre dans la société civile et y est restée.
- Les autres membres du conseil
Aux côtés de ces quatre grandes figures, le président du Conseil français du culte musulman, Anouar Kbibech, est membre de droit ainsi que trois représentants de ministères (Intérieur, Education, Culture) et deux membres désignés par le "comité des donateurs" de cette structure. En outre, un "conseil d'orientation" composé d'une vingtaine de personnes sera chargé de chercher les projets à financer. Tous ne seront pas des responsables du culte musulman. "Il y a un vivier de gens, professeurs, avocats, cadres supérieurs, qui veulent se mobiliser et qui ne sont pas assez visibles dans le débat", glisse-t-on Place Beauvau.
Une fondation tournée vers le financement de projets. Cette fondation "aura vocation à soutenir des projets, dans les domaines de l’éducation, de la culture, de l’engagement des jeunes, elle pourra prendre en charge la formation profane des imams, le développement de la recherche en islamologie, être un acteur d’une meilleure connaissance de l’islam à travers ses productions littéraires et artistiques", précise Bernard Cazeneuve dans les colonnes de La Croix. La "Fondation pour l'islam de France" ne traitera que de questions profanes, laïcité oblige.
Le volet religieux de la recherche de financements pour la formation théologique des imams ou encore la construction de mosquées sera entre les mains d'une association cultuelle (loi de 1905) administrée par des représentants musulmans, et dans laquelle l'État ne sera pas partie prenante. Ni la fondation laïque ni l'association cultuelle, qui lui sera adossée, ne seront autorisées à recevoir des financements étrangers jugés peu transparents, a-t-on confirmé place Beauvau.