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avec AFP / Crédits photo : Denis Charlet / AFP , modifié à
Son parti n'a "violé aucune règle" et elle "répondra à toutes les questions" du tribunal. Marine Le Pen a voulu afficher lundi sa "sérénité" à l'ouverture de son procès et celui de 24 autres personnes et du Rassemblement national, soupçonnés d'avoir détourné des fonds du Parlement européen pour payer des salariés du parti.

À l'ouverture de l'audience vers 13h45, la présidente appelle les prévenus les uns après les autres à la barre. Marine Le Pen s'avance d'un pas lent, tailleur noir sur le dos. "Je répondrai à l'intégralité des questions que le tribunal voudra bien me poser", assure celle qui ne peut s'empêcher de se raidir à la lecture des infractions qui lui sont reprochées. Comme l'ex-numéro 2 du parti Bruno Gollnisch, qui rappelle qu'il reçoit "toujours des menaces", elle demande à pouvoir ne pas donner son adresse personnelle à la barre.

Un procès jusqu'au 27 novembre, mais qui pourrait s'étaler jusqu'au printemps 2027

Avant de rentrer dans la salle du tribunal correctionnel de Paris, qui va accueillir pendant deux mois ce procès aux lourds enjeux politiques pour la cheffe de file de l'extrême droite française, celle-ci s'est dite devant la foule de journalistes tout à fait "sereine". "Nous n'avons violé aucune règle", a-t-elle lancé. "Nous avons énormément d'arguments à développer pour défendre ce qui m'apparaît être la liberté parlementaire qui est en cause dans cette affaire", a ajouté la présidente du groupe RN à l'Assemblée.

Dans la salle, elle s'installe au premier rang à côté de Catherine Griset, une très proche, elle aussi jugée, qui fut son assistante au Parlement européen pendant des années. "En étant là, c'est moins pénible", explique en privé celle qui entend assister à la quasi-intégralité de son procès et qui fait part d'un "sentiment d'injustice d'être devant ce tribunal".

Le procès doit se tenir trois demi-journées par semaine jusqu'au 27 novembre - la patronne des députés RN sera toutefois absente mardi, privilégiant la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre Michel Barnier à l'Assemblée nationale. Flanqués d'une douzaine d'avocats, les prévenus entendent mener le combat, à l'image de l'imposant dossier en carton que Bruno Gollnisch a posé à ses pieds, barré de la mention "Arguments".

Le fond du dossier ne devrait toutefois pas être abordé avant lundi prochain, les premières journées étant consacrées à des questions de procédure et à la lecture du rapport prévue mercredi. Les débats se sont ouverts par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par l'un des avocats de la défense, Me Laurent de Caunes, devant un parterre de prévenus hochant de la tête au cours d'une plaidoirie visant à démontrer l'impossibilité des poursuites.

A la fin, Bruno Gollnisch se lève: "Juste une minute madame la présidente, si vous permettez, justement au sujet de la constitutionnalité ?" "Euh...", répond la présidente Bénédicte de Perthuis - généralement ce sont les avocats plutôt que les prévenus qui s'expriment à ce stade -, autorisant néanmoins l'ex-eurodéputé européen à marteler à la barre que "l'ensemble de cette procédure est contraire au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs".

Après une suspension d'audience, au cours de laquelle Marine Le Pen donne une inhabituelle conférence de presse informelle dans le prétoire, le tribunal a rejeté la demande de transmission de la QPC. Et enchaîné avec une autre question de procédure.

Un préjudice de 3 millions d'euros, dont un million remboursé par le RN

Au total, neuf anciens eurodéputés du Front national (rebaptisé RN), dont Marine Le Pen, comparaissent aux côtés de 12 personnes ayant été leurs assistants parlementaires, et quatre collaborateurs du parti. Le tribunal a formellement ordonné au début de l'audience la disjonction des cas de Jean-Marie Le Pen, 96 ans, et de l'ex-eurodéputé Jean-François Jalkh, leur état de santé ne leur permettant ni "d'être présent" ni de "préparer leur défense". L'affaire a débuté en 2015 par un signalement du président du Parlement européen Martin Schulz et concerne de très nombreux contrats d'attachés parlementaires sur une période de plus de dix ans (2004-2016).

Pour l'accusation qui dénonce la mise en place d'un "système centralisé" au parti, ces "assistants", bien en peine de décrire leurs tâches, n'en avaient que le titre. Certains n'avaient jamais même rencontré leur employeur officiel ou mis les pieds au Parlement et ne travaillaient, toujours selon l'accusation, que pour le parti - ce qui est interdit dans la réglementation européenne. Il s'agit notamment du garde du corps historique du fondateur du FN Jean-Marie Le Pen, Thierry Légier, de sa secrétaire, de la cheffe de cabinet de Marine Le Pen, Catherine Griset, ou encore du graphiste du parti.

Les prévenus, jugés notamment pour détournement de fonds publics ou complicité de ce délit, encourent dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende, ainsi qu'une peine d'inéligibilité de dix ans susceptible d'entraver les ambitions présidentielles de Marine Le Pen pour 2027. Le Parlement européen, partie civile, a évalué son préjudice financier à trois millions d'euros. Il ne réclamera que deux millions, un million ayant déjà été remboursé (ce qui n'est pas un aveu de culpabilité, a assuré le RN).