Une fois n'est pas coutume, gauche et droite sont d'accord. Alors que la dernière journée de mobilisation contre la loi Travail, mardi, a de nouveau été émaillée de violences, la majorité et l'opposition s'offusquent de concert. Et pointent du doigt la CGT.
La CGT dans le viseur. "Quand on n'est pas capable d'organiser des manifestations, on n'organise pas ce type de manifestation qui peut dégénérer", s'est emporté Manuel Valls, mercredi, sur France Inter. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a quant à lui demandé à la CGT de faire "une pause dans les manifestations, parce qu'elles dégénèrent en violence". Sur LCP, le socialiste a estimé que le syndicat était "instrumentalisé par des casseurs".
Il faut que la #CGT comprenne que des casseurs instrumentalisent ces manifestations. #QDI
— Jean-Chr. Cambadélis (@jccambadelis) 15 juin 2016
Des critiques qui font écho à celles de la droite. Invité sur Europe 1 mercredi, François Fillon a demandé à Philippe Martinez, leader de la CGT, "d'arrêter, car cela devient insupportable". Nicolas Sarkozy, lui, est même allé encore plus loin, demandant à ce que "la responsabilité civile" et "financière de la CGT soit engagée" lorsque des dégradations sont commises en marge des défilés.
Interdiction de manifester. Outre pointer la responsabilité du syndicat, majorité et opposition se prononcent de plus en plus ouvertement pour l'interdiction des manifestations. Préconisée par Alain Juppé, cette mesure est aussi soutenue par François Fillon. "On ne peut plus accepter que des manifestations se déroulent à répétition dans les grandes villes de France", a déclaré le député de Paris. À gauche, François Hollande en personne est monté au créneau, annonçant, par l'intermédiaire du porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, qu'il n'y aurait plus "d'autorisation de manifester" si "les biens et les personnes" étaient menacés.
Plus de manifestation à Paris pendant un mois. Cette décision, le président l'a prise mardi soir, après avoir réuni autour de lui les principaux ministres concernés et des responsables socialistes. "Ce que veut le gouvernement, c'est qu'il n'y ait plus de manifestation à Paris dans le mois qui vient", témoigne l'un des participants. Selon lui, Manuel Valls et François Hollande sont parfaitement "en phase" sur le sujet. "Le plus dur n'est pas celui qu'on croit", glisse-t-il même. Autrement dit, ce n'est pas le Premier ministre, souvent accusé d'excès de fermeté, qui entraîne un chef de l'État plus en retrait, mais bien François Hollande qui se montre inflexible.
Une interdiction toujours possible... Interdire une manifestation est toujours possible, même lorsque le pays n'est pas pendant l'état d'urgence. Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 19 février dernier, "si l'autorité de police n'a pas d'autre moyen efficace que l'interdiction préventive, celle-ci peut être licite, dès lors que la menace pour l'ordre public apparaît suffisamment et exceptionnellement grave". C'est à la justice de veiller au respect de ces conditions.
" Interdire une manifestation de la CGT n'est pas un acte anodin pour un gouvernement de gauche. "
Le régime dérogatoire de l'état d'urgence prévoit également la possibilité d'interdire les manifestations, "à titre général ou particulier", lorsque celles-ci sont "de nature à provoquer ou à entretenir le désordre". Dans sa décision du 19 février, le Conseil constitutionnel a donc rappelé qu'il était légal d'interdire de manifester, tant que cette mesure intervenait dans la zone couverte par l'état d'urgence et qu'elle restait "justifiée et proportionnée". Selon les Sages, la conciliation entre, d'un côté, la préservation du "droit d'expression collective des idées et des opinions" et, de l'autre, la "sauvegarde de l'ordre public", "n'est pas manifestement déséquilibrée".
…mais politiquement délicate. Reste la question de l'image politique renvoyée par l'exécutif si ce dernier décide de mettre ses menaces à exécution. "Interdire une manifestation de la CGT n'est pas un acte anodin pour un gouvernement de gauche", admet d'ailleurs un socialiste convié à la réunion de mardi soir. Le syndicat compte bien jouer cette carte. Dans un communiqué publié mercredi, il a dénoncé la pression de l'exécutif : "Menacer d'interdire les manifestations est le signe d'un gouvernement aux abois."