Décidé à aller vite, Emmanuel Macron, plombé dans les sondages, va trancher mardi avec les ministres sur les contours de la "grande concertation nationale" qu'il a promise aux "gilets jaunes" pour sortir de la crise en tenant compte de leurs aspirations.
Un agenda politique bouleversé
La journée s'annonce de nouveau chargée à l'Élysée où le président se réunit à 18 heures avec plusieurs membres du gouvernement, dont Édouard Philippe, afin, a-t-il expliqué lundi, de "finaliser et clarifier" les règles de ce débat national avant de les annoncer au conseil des ministres de mercredi. C'est pour cette raison qu'il a bouleversé son agenda en annulant un déplacement prévu à Biarritz pour lancer la présidence française du G7 et prononcer un discours sur les priorités diplomatiques de la France pour 2019. Le chef de l'État sera remplacé à Biarritz par Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères.
À l'Élysée, Emmanuel Macron réunira ensuite "l'ensemble des mutuelles et assureurs privés" pour les mobiliser en faveur du pouvoir d'achat, mardi après-midi. Il s'agit de la troisième réunion de ce genre après celles avec les banques le 11 décembre et avec les entreprises le lendemain. Le gouvernement leur demande "un effort spécifique" en complément des mesures qu'il met en oeuvre pour tenter de calmer la plus grave crise sociale depuis le début du quinquennat.
Les maires, piliers de la concertation
Les détails de la "grande concertation" restent pour le moment flous. Annoncée par Emmanuel Macron dans son allocution du 10 décembre, au surlendemain d'un nouveau samedi de mobilisation des "gilets jaunes", marqué par des violences, elle doit se tenir jusqu'au 1er mars dans toute la France. Ce débat doit s'appuyer fortement sur les maires, présentés par le pouvoir comme les élus les plus proches des aspirations des Français, et se décliner en nombreux rendez-vous locaux. Un certain nombre d'élus, notamment dans les communes rurales, ont mis en place des cahiers de doléances pour les "gilets jaunes".
Selon Le JDD, la concertation devrait être organisée par la Commission nationale du débat public, qui met habituellement trois ou quatre mois à prévoir la mise en place d'un débat. Elle se fait donc dans un timing serré.
Toubon ou Gallois garant du débat ?
Toujours d'après Le JDD, l'exécutif entend mettre en place un "collège de garants", composé de personnalités qui superviseront la concertation. Les noms du Défenseur des droits Jacques Toubon ou du président du conseil de surveillance de PSA Peugeot Citroën Louis Gallois seraient évoqués.
Quatre grands thèmes au programme
Quatre grands thèmes (transition écologique, fiscalité, organisation de l'État, et démocratie et citoyenneté) ont été fixés pour les discussions, qui devraient peu porter sur l'immigration. Mais une revendication a nettement monté ces derniers jours chez les "gilets jaunes" : le référendum d'initiative citoyenne (RIC) ou populaire. Édouard Philippe s'y est déclaré favorable sur le principe mais "pas dans n'importe quelles conditions".
Le débat intervient aussi après l'annonce par l'exécutif d'un plan qui comprend un gain de 100 euros net pour les salariés proches du Smic, les heures supplémentaires défiscalisées ou l'exemption de hausse de CSG pour certains retraités, et qui va coûter, selon Matignon, 10,3 milliards d'euros, gel de la taxe carbone compris. Il creusera encore le déficit, qui devrait atteindre 3,2% du PIB en 2019. Ces mesures doivent être présentées en projet de loi mercredi en Conseil des ministres, avant de passer à l'Assemblée nationale jeudi et au Sénat vendredi. Avec l'objectif qu'elles puissent être applicables au 1er janvier.
Des actions menées sur le terrain
Les contours de cette concertation sont aussi définis dans un contexte de reprise en main de l'exécutif quant au mouvement des "gilets jaunes". Plusieurs ronds-points occupés ont commencé lundi à être évacués, et cela va se "poursuivre", a affirmé le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. Mais ces menaces d'évacuation ne font pas plier certains protestataires, à l'image de ceux qui ont pris place sur un rond-point du nord de Bordeaux, bien décidés à rester sur place. "On passe Noël ici !", a annoncé l'un des leurs.
Après un mois de crise, Emmanuel Macron poursuit lui sa descente quasi-ininterrompue dans les enquêtes d'opinion : 73% (+5) des Français interrogés portent désormais un jugement négatif sur son action, selon un sondage Odoxa publié mardi pour France Inter, L'Express et La Presse régionale. Édouard Philippe perd également 5 points (à 31%) tandis que Marine Le Pen est la principale bénéficiaire en gagnant 6 points (à 29%).