Baisser les impôts un an avant l'élection présidentielle est un grand classique de la politique française. François Hollande pourrait bien céder à cette tentation. Selon le quotidien Les Echos, le président réfléchit en effet à un nouveau coup de pouce fiscal pour les ménages en 2017. La décision finale ne devrait pas être prise avant l'été, le temps de confirmer la croissance française et de vérifier que le budget 2016 est bien tenu, mais le chef de l'Etat "paraît déterminé", affirme le journal économique.
Calcul politique. Une telle décision "n'est pas un geste économique mais bien politique", souligne l'économiste Nicolas Bouzou sur Europe 1. Alors que le chef de l'Etat est au plus bas dans les sondages, un allègement de la fiscalité pourrait rallier à sa cause les ménages concernés. La stratégie a été testée et approuvée par les gouvernements Balladur en 1994 et De Villepin en 2006. Dans les deux cas, leur camp politique était arrivé ou resté à l'Élysée l'année suivante. À l'inverse, en 2011, François Fillon avait gelé les barèmes de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune, ce qui alourdissait de facto les prélèvements en 2012. Et l'élection présidentielle n'avait alors pas été favorable à Nicolas Sarkozy.
Chose promise, chose due. En outre, François Hollande avait promis que la fin de son quinquennat serait consacrée à la redistribution. "Si la croissance s'amplifie en 2016, nous poursuivrons le mouvement" de baisse d'impôts, avait-il même promis en août 2015 dans une interview de rentrée aux quotidiens régionaux. Or, le PIB français a augmenté de 0,5% au premier trimestre, faisant d'une croissance à 1,5% sur l'année un objectif atteignable. Dans ce contexte, comme le rappelle Nicolas Bouzou, le gouvernement "a un tout petit peu plus de marge de manœuvre" sur son budget. "Pour conforter l'idée que 'ça va mieux', rien de tel qu'une petite baisse d'impôt pour les ménages", résume Nicolas Barré, directeur de la rédaction des Echos, sur Europe 1.
Bercy renâcle. Mais du côté du ministère des Finances, les velléités de l'Élysée ne sont pas vues d'un bon œil. Bercy préférerait tenir les cordons de la bourse bien serrés, alors qu'il reste encore à financer le dernier volet du pacte de responsabilité, que la croissance française reste inférieure à la moyenne de la zone euro et que Paris doit faire passer son déficit sous la barre des 3% en 2017. "Ce n'est pas le moment d'ouvrir les vannes", explique Nicolas Barré. "Quand on connaît l'état très dégradé des comptes publics, [baisser les impôts] pose évidemment problème." Lors de la présentation du programme de stabilité de la France, le 13 avril dernier, Michel Sapin avait d'ailleurs indiqué qu'il n'était "pas prévu de nouvelles mesures en faveur des ménages" en 2017.
Le problème de la concentration de l'impôt. Sans compter que, selon l'arbitrage choisi pour mettre en œuvre les allègements fiscaux, les voix potentiellement récupérées par François Hollande d'un côté pourraient facilement être perdues de l'autre. L'impôt sur le revenu est en effet de plus en plus concentré sur un nombre réduit de ménages. Du fait de la suppression des tranches les plus basses, seuls 46,5% d'entre eux s'en sont acquittés en 2015. Si l'exécutif choisit, une nouvelle fois, de concentrer les efforts sur les plus modestes, les classes moyennes et supérieures seront d'autant plus mises à contribution.
Coûteux appels du pied. Autant d'arguments qui peuvent encore peser dans la balance mais n'empêcheront pas François Hollande d'avoir le dernier mot. L'an dernier, un coup de pouce fiscal de 2 milliards d'euros avait été voté en octobre, afin de joindre aux baisses de cotisation des entreprises contenues dans le pacte de responsabilité une mesure marquée à gauche. Un autre indice peut laisser penser que le président ira au bout de son idée : ces derniers mois, l'exécutif n'a pas hésité à cajoler ceux qui, traditionnellement, votent à gauche. Quitte à mettre la main au porte-monnaie. Le "plan d'urgence pour l'emploi" annoncé en janvier a été estimé à 2 milliards d'euros. Les fonctionnaires, eux, ont eu droit au dégel de leur point d'indice pour 2,4 milliards en année pleine. Une enveloppe de 400 à 500 millions d'euros a été débloquée pour la jeunesse, tandis que Manuel Valls devrait annoncer mardi un coup de pouce aux salaires des enseignants. Dès lors, baisser les impôts s'inscrirait dans la droite ligne de ces coûteux appels du pied. François Hollande espère bien récolter les fruits de ces investissements l'année prochaine.