Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon l'ont confirmé, mercredi matin : tous deux iront bien à la marche blanche organisée en fin d'après-midi en hommage à Mireille Knoll, cette octogénaire de confession juive tuée la semaine dernière. Et ce, alors même que le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a déclaré la présidente du Front national et le leader de la France Insoumise personae non gratae.
"Ni Mélenchon ni Le Pen seront les bienvenus". De fait, mardi, le président du Crif Francis Kalifat a tenu un discours très dur à l'égard de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. "Soyons clair, ni Jean-Luc Mélenchon et les insoumis ni Marine Le Pen et le FN seront les bienvenus [mercredi]", a-t-il martelé sur BFM TV. "Tous les deux sont, pour nous, des vecteurs de haine dans notre pays. La haine que nous connaissons de l'extrême droite d'un côté et la haine d'Israël [de l'extrême gauche] de l'autre côté, qui est aussi la haine des juifs en réalité." Mercredi matin, Francis Kalifat en a rajouté une couche sur RTL. "J'ai expliqué que la surreprésentation des antisémites, tant à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite, rend ces deux partis infréquentables."
Position classique du Crif. Ce renvoi dos à dos des deux extrêmes de l'échiquier politique n'a rien de surprenant de la part du Crif. La gauche radicale n'entretient pas de bonnes relations avec l'institution, du fait de ses prises de position en faveur de la Palestine. Les partis à la gauche de la gauche, ainsi que les Verts pendant longtemps, n'ont ainsi jamais été invités au traditionnel dîner du Crif, qui voit pourtant défiler un grand nombre de responsables politiques.
"Libre de se rendre à une manifestation". Mais cette fois, les déclarations du Crif ont suscité un tollé général. "Je ne partage pas les propos, en tout cas la recommandation faite par le président du Crif", a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, sur Radio Classique. "Chacun est libre de se rendre à une manifestation dans ce pays." À droite, Rachida Dati s'est, elle aussi, dite "choquée" par Francis Kalifat sur BFM TV. "Nous combattons les communautarismes, je ne crois pas que cette marche concerne uniquement la communauté juive ou concerne uniquement le Crif."
Quand on s’attaque à un juif en France, on s’attaque à la nation tout entière. Chacun est le bienvenu pour honorer la mémoire de #MireilleKnoll.@radioclassique@guillaum_durand#classiquematinpic.twitter.com/8XZXS15hM7
— Benjamin Griveaux (@BGriveaux) 28 mars 2018
"Ce moment appartient à tous". Ce qui dérange, dans la position de Francis Kalifat, est bien l'immixtion des positions politiques dans un moment qui devrait être marqué par une unité nationale. "Il y a des moments d'unité où peut-être il faut pouvoir dépasser cela", a ainsi déclaré la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, mercredi sur RMC. Le hiatus qu'il peut y avoir entre, d'un côté, le fait de pointer que l'ensemble de la société devrait se sentir concerné par l'antisémitisme et, de l'autre, interdire à certains de se joindre à l'hommage collectif, interpelle également. "Ce moment n'appartient à personne mais à tous, et personne n'y vient sur invitation", a ainsi résumé le conseiller départemental de l'Essonne socialiste, Jérôme Guedj. "Dans ce moment nécessaire de concorde et après voir si souvent déploré la solitude des Français juifs face à l'antisémitisme, c'est une erreur de vouloir cadenasser et décerner des brevets de lutte contre l'antisémitisme.
1) Depuis 24h nous sommes nombreux à nous démener pour que la manifestation d’hommage à #MireilleKnoll et contre l’antisémitisme soit la plus large possible. Ce moment n’appartient à personne mais à tous, et personne n’y vient sur invitation. Mais en conscience et en mobilisation
— Jérôme Guedj (@JeromeGuedj) 27 mars 2018
2)Dans ce moment nécessaire de concorde et après avoir si souvent déploré la solitude des Francais juifs face l’antisémitisme,c’est une erreur cher @FrancisKalifat de vouloir cadenasser et décerner des brevets de lutte contre l’antisémitisme.Bienvenue demain à tous les cœurs purs
— Jérôme Guedj (@JeromeGuedj) 27 mars 2018
Il n'y avait guère que le maire LR de Nice, Christian Estrosi, pour défendre le Crif mercredi matin. "Il faut respecter ceux qui constituent l'autorité et qui attendent aujourd'hui qu'il y ait surtout le calme et qu'il n'y ait aucune récupération politique", a expliqué l'édile sur France 2.
Finalement, c'est probablement Daniel Knoll, l'un des deux fils de Mireille Knoll, qui a le mieux résumé le sentiment d'une bonne partie de la classe politique à l'égard de la position de Francis Kalifat : "Le Crif fait de la politique et moi, j'ouvre mon cœur."