Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, en déplacement vendredi à Calais où 72 migrants ont péri en 2024 en tentant de traverser la Manche, a évoqué un "bras de fer" avec Londres, à quelques jours d'une rencontre avec son homologue britannique.
Bruno Retailleau, qui a annoncé recevoir la ministre britannique de l'Intérieur Yvette Cooper le 9 décembre dans le Pas-de-Calais, a appelé le Royaume-Uni à ne pas se contenter de déléguer le "gardiennage" de sa frontière à la France.
Le Brexit mis en cause
"Le Brexit a détruit toutes les relations migratoires" avec le gouvernement britannique, a-t-il déploré, appelant à "une voie d'admission légale avec des critères en termes économiques, de regroupement familial". "Il y a un bras de fer à engager. J'espère que nous n'en arriverons pas là, mais on doit changer cette relation," a estimé Bruno Retailleau, qui se rendra le 10 décembre à Londres pour une rencontre avec les pays concernés afin de "préparer cette relation nouvelle entre l'Union européenne et le Royaume-Uni".
"Le bras de fer, c'est assez simple, c'est à un moment donné, si les choses ne progressent pas, on dénoncera les accords du Touquet", a-t-il menacé. Signés entre Londres et Paris en 2003 et entrés en vigueur l'année suivante, ces accords fixent sur le sol français les contrôles des personnes en partance vers le Royaume-Uni. "Les responsables de ces drames, ce sont les passeurs et les Britanniques", a martelé à ses côtés le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand (LR). "Ils prennent un maximum de migrants, les font travailler et les paient au lance-pierre" ce qui "contribue à la compétitivité de leur économie", a encore accusé Xavier Bertrand.
Renforts sécuritaires
Le ministre a également annoncé des renforts de police, la nomination d'un représentant spécial sur l'Immigration au ministère, et d'un préfet chargé de coordonner l'action de l'Etat sur le littoral, face aux dizaines de milliers de traversées clandestines effectuées chaque année.
Ce préfet dédié était réclamé par un collectif des maires du littoral que Bruno Retailleau était venu rencontrer pour son premier déplacement dans la zone depuis sa prise de fonction en septembre.
Plus de 200 personnes supplémentaires seront déployées pour renforcer les équipes de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), la police aux frontières (PAF), les commissariats de Calais et Dunkerque ou encore pour intervenir dans les transports en commun. Des maires se disent en effet démunis face à la saturation de ces transports, utilisés à la fois par les habitants et les migrants tentant de rejoindre les plages.
Bruno Retailleau va en outre réclamer à Londres de cofinancer un fonds d'indemnisation pour les habitants et les entreprises locales ayant subi des dégradations de leurs biens.
Aider les sapeurs pompiers locaux
Il souhaite aussi une aide financière britannique pour les sapeurs-pompiers locaux, dont 12% des interventions sont liées à la crise migratoire, et pour la société de sauvetage en mer (SNSM), qui a effectué selon lui 5.500 sauvetages depuis le début de l'année.
Après une série de naufrages cet automne dans la Manche, au moins 72 candidats à l'exil ont trouvé la mort depuis le 1er janvier en tentant de rallier l'Angleterre par la mer selon le décompte de la préfecture du Pas-de-Calais, un nombre record. "On arrive dans une logique qui est totalement à bout de souffle", a estimé Bruno Retailleau. Cette série de morts "n'est pas tolérable, c'est un drame, une tragédie", a-t-il souligné. Les associations venant en aide aux personnes qui campent sur le littoral dans l'espoir de rejoindre l'Angleterre, ont déploré quand à elle une politique migratoire "inefficace et mortelle".
Outre des "dispositifs d'accueil" de part et d'autre de la Manche, elles demandent l'augmentation des moyens de secours en mer "pour que la Manche cesse d'être un cimetière".
Depuis sa nomination le 23 septembre, Bruno Retailleau a fait de l'immigration un marchepied politique au sein d'un gouvernement fragile, affichant une position dure, et en promettant un nouveau texte sur le sujet, moins d'un an après une loi vivement débattue.