Les services de renseignement ont recensé plus de 200 cas d’exactions commis par les forces loyalistes dont les mercenaires du groupe Wagner en République centrafricaine 1:13
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William Molinié et Louis de Raguenel , modifié à
Pillages, vols, arrestations arbitraires, torture, exécutions sommaires… Selon nos informations, les services de renseignement ont recensé plus de 200 cas d’exactions commises par les forces loyalistes dont les mercenaires du groupe Wagner en République centrafricaine au cours de l’année 2021.
INFO EUROPE 1

Alors que les mercenaires de la société militaire privée russe Wagner se déploient au Mali, les services de renseignement français documentent précisément l’ampleur des exactions commises en République centrafricaine. Les Russes y ont commencé à s’implanter en 2018 au cours d’une première livraison d’armes au profit du pouvoir centrafricain, se rendant au fil des mois indispensables au réarmement et à la reconstruction du pays.

Dans des documents que nous avons consultés, les services de renseignement français ont compilé tout au long de l’année 2021 les principales exactions attribuées aux forces loyalistes. Plus de 200 cas d’exactions ont ainsi été recensés depuis décembre 2020 : pillages, vols, occupations illégales d’habitations, arrestations arbitraires, torture, viols, exécutions sommaires… A l’appui, les services de renseignement ont entre leurs mains des photos. Certaines d’entre elles, insoutenables, donnent à voir des corps brûlés, découpés ou encore des cadavres criblés de balles. Un travail de documentation essentiel pour comprendre les agissements de la société militaire privée Wagner et ses ravages dans les pays africains qui ont décidé de s’adjoindre les services de cette armée hybride qui échappe aux règles du droit international.

Suppressions des preuves

Cette documentation s’appuie sur les sources propres du renseignement militaire : vidéos ou photos diffusées sur les réseaux sociaux, sources propres ou encore celles de la mission onusienne de la Minusca (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique). Premier enseignement : ce travail est complexe.

D’abord parce que le groupe Wagner prend le soin d’éviter toute divulgation en source ouverte, sur Internet ou sur les réseaux sociaux. Les téléphones portables des éventuels témoins sont saisis, les antennes sont coupées et l’accès aux localités où les exactions ont été commises y est empêché. Comme les 16 et 17 janvier dernier lors d’une opération de ratissage à Aigbando dans l’Est du pays. Entre une quinzaine et une soixantaine de personnes, selon les différents bilans, auraient été tuées. Impossible de déterminer précisément la part de civils et de rebelles décédés. Les patrouilles de l’ONU n’ont pas pu s’y rendre librement, des mercenaires de Wagner les ont escortées tout au long de leur mission, pointent les rédacteurs de cette note.

Ces documents révèlent aussi la difficulté que peuvent avoir les services de renseignement à attribuer les exactions. Dans cette stratégie de guerre hybride menée par la Russie, Wagner entretient le flou et s’appuie à la fois sur l’armée centrafricaine que les mercenaires ont formé ainsi que sur des "forces supplétives" engagées localement au gré d’alliances de circonstances. Depuis la fin de l’année dernière, les mercenaires s’appuient ainsi sur des groupes armés appartenant à la mouvance chrétienne animiste anti-Balaka pour assoir sa présence dans le Centre et l’Est du pays. "Wagner instrumentalise les clivages intercommunautaires entre les populations peule, musulmane et chrétienne pour agir en toute impunité et renforcer son assise", soulignent les analystes du renseignement.

Des commerçants et des chefs de village décapités

Parmi les principales exactions remontées jusqu’aux grandes oreilles françaises, figurent celle de Bambari, commise dans l’enceinte de la mosquée Attawka le 17 février 2021. Dix-neuf civils auraient été tués par des mercenaires. Neuf jours plus tard, les forces armées centrafricaines, des militaires rwandais et des membres de Wagner ont brûlé et détruit plusieurs habitations à Ben Zambé, connu pour être le village natal de François Bozizé, l’ancien président. Le 8 mai 2021, c’est un commerçant de Kaga-Bandoro qui aurait été découpé et brûlé par des membres de Wagner.

La supposée appartenance à un groupe armé rebelle permet à Wagner de légitimer leurs exactions. Comme le 26 septembre, dans le Nord de Bocaranga à l’Ouest du pays, où trois peuls auraient été torturés et assassinés par des membres de la société militaire privée qui prétendaient qu’ils faisaient partie de ces groupes armés.

 

Le même jour dans ce même secteur, 9 civils peuls ont été arrêtés puis tués à coups de baïonnettes et de fusils après avoir sans doute été torturés, selon les informations transmises par la mission onusienne de la Minusca. Le 25 novembre, dans l’Ouest du pays, à Yadé, deux femmes ont été enlevées et violées par des mercenaires.

Parmi les dernières atrocités recensées, celle le 16 décembre 2021 de supplétifs de Wagner. Ils auraient violé une femme dans un quartier de Bambari et décapité un jeune homme avant d’exécuter un chef de village. A chaque fois, quand cela est possible, les services de renseignement prennent le soin de conserver les images de ces exactions. Si toutefois, un jour, on leur opposait que tout cela n’a jamais existé.