Il est désormais au commande. Emmanuel Macron a été officiellement investi dimanche huitième président de la Cinquième République. Au cours d’une cérémonie particulièrement solennel et grave, néanmoins rythmée par les airs enjoués de Saint-Saëns, Brahms, Mozart ou encore Offenbach, l’ancien ministre de l’Economie s’est coulé dans le rituel républicain tout en lui imposant sa marque. Olivier Ihl, directeur honoraire de l’Institut d’études politiques de Grenoble et spécialiste de la mise en scène du politique, décrypte pour Europe 1 les premiers pas du nouveau chef de l’Etat.
Les Français ont assisté dimanche à l’investiture d’un président de 39 ans. Qu’est-ce que cette passation de pouvoir avait de particulier par rapport aux précédents exercices du genre ?
C’était en effet une passation de pouvoir inédite, en ce sens qu’elle consacre un chef d’Etat particulièrement jeune, qui s’est affranchi de la logique des partis qui a dominé toute la vie politique de la Cinquième République. Mais Emmanuel Macron s’est attaché à montrer dans son discours d’installation qu’il pouvait, malgré son manque d’expérience, revêtir les habits du gardien des institutions. Il a réinscrit son rôle dans une histoire longue, multipliant entre autres les références à Charles de Gaulle, à travers sa posture notamment. On l’a vu, marchant à pas mesurés, dans une attitude très gaullienne. Il ne veut plus apparaître comme l’homme en marche, courant après la victoire, mais comme le chef de l’Etat souverain, immobilisé par la nécessité de sa fonction. On verra comment cette image résiste aux épreuves.
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Emmanuel Macron a donc cherché à tordre le cou au style plus décontracté auquel nous avait habitué François Hollande ?
Lors de sa cérémonie d’investiture, le président entrant se positionne toujours par rapport au président sortant. Emmanuel Macron a littéralement déchiré sous nos yeux le credo du président normal pour réactiver l’esprit de la Cinquième République. Je n’avais encore jamais vu un président remonter, le jour de son investiture, les Champs-Elysées dans un véhicule militaire. Là encore, on n’est plus du tout avec un président qui veut se présenter comme un citoyen parmi les autres, mais avec un président qui est dans la verticalité. C’est encore une référence à Charles de Gaulle qui, en 1959, était entré à l’Elysée en habit militaire. Mais en termes d’image, c’est aussi une réponse aux attaques formulées pendant la campagne : à savoir que les questions de défense et de lutte contre le terrorisme ne sont pas le domaine d’excellence d’Emmanuel Macron. Désormais, il se pose en chef des armées, requérant l’obéissance des forces militaires.
Une différence de style, et pourtant les deux hommes sont apparus particulièrement proche pendant la passation de pouvoir. Leur échange a duré près d’une heure.
L’entretien a été long pour des raisons politiquement compréhensibles. N'oublions pas que l'actualité internationale est chargée. Emmanuel Macron a aussi été un proche de François Hollande, son conseiller puis son ministre. Mais sur le tapis rouge, devant les caméras, on note une certaine asymétrie des comportements. François Hollande pose sa main droite sur l’avant-bras d’Emmanuel Macron, dans un geste à la fois amical et paternel. En face, le nouveau président, même tout sourire, préfère éviter de rentrer dans une trop grande réciprocité avec celui dont on l’a accusé d’être l’héritier. D’ailleurs, le discours de François Hollande à Solférino - évaluant sa propre présidence lorsqu’il dit : 'Je laisse la France dans un état bien meilleur que celui que j’ai trouvé' -, est quelque chose de complètement nouveau du point de vue protocolaire. En 1995, François Mitterrand n’avait fait aucun commentaire après avoir quitté l’Elysée. Alors que les projecteurs sont braqués sur le nouveau chef de l’Etat, on peut s’étonner de ce commentaire. Vous connaissez le proverbe : ‘la parole est d’argent, mais le silence est d’or’.