Plutôt que de dégraisser le mammouth, il préfère le caresser dans le sens du poil. "Je n'utilise jamais le mot mammouth. C'est de l'autodépréciation, or, j'aime ma maison, moi", a d’ailleurs relevé Jean-Michel Blanquer lors de son passage dans l’Emission politique de France 2. Dans la foulée de la présentation de sa réforme du baccalauréat, le ministre de l’Education nationale s’est livré jeudi soir à un exercice télévisuel tout en retenue et en pédagogie. Et visiblement, ce grand oral a été passé haut la main (et sans notes), puisque 71% des téléspectateurs se sont dit convaincus par sa prestation, selon un sondage réalisé pendant l’émission. "J'en suis presque ému", a soufflé l’intéressé. Premier invité du programme à enregistrer un tel score, il fait mouche jusque dans les rangs d’un électorat loin d'être acquis à la cause Emmanuel Macron : outre les 90% de marcheurs qui l’approuvent, 52% de sympathisant frontistes et 69% d’insoumis s’avouent convaincus par la démonstration du responsable gouvernemental.
Une prestation saluée. Au lendemain de l’Emission politique, la presse se montre elle aussi plutôt unanime sur le ministre. Jean-Michel Blanquer est-il le "sauveur" de l'Education nationale interroge franceinfo. "La méthode Blanquer est faite de prudence et d'humilité, ce qui est sans doute nécessaire pour ne pas voir des milliers de jeunes descendre dans la rue", ajoute le site d’information. Ils étaient pourtant un millier de manifestants à défiler dans les rues de Paris, jeudi, contre la réforme du bac et la sélection à l’entrée des universités. Un chiffre sans commune mesure néanmoins avec les mobilisations monstres qui avaient fait reculer François Fillon en 2005 : entre 150.000 et 200.000 jeunes battaient le pavé au plus fort de la protestation.
Sous les feux des projecteurs. Etranger au grand public lors de sa nomination à l’Education nationale au début du quinquennat, ce professeur de droit à la silhouette austère, bien connu des milieux éducatifs - pour avoir occupé plusieurs fonctions administratives sous des ministres de droite : Gilles de Robien, Xavier Darcos et Luc Chatel -, apparaît neuf mois plus tard comme "le chouchou de la classe" gouvernementale, selon la formule du Parisien. Le quotidien francilien file la métaphore scolaire et salue "le bon bulletin" du ministre. Jean-Michel Blanquer se voit même gratifié cette semaine des honneurs de deux Unes d’hebdomadaires étiquetés à droite et habituellement critiques à l’égard du pouvoir. "Le vice-président" titre Le Point qui publie une interview fleuve de "l’homme clef du macronisme", quand Valeurs actuelles le qualifie de "Nouvelle star".
Un seul couloir de nage. En deux mots, le "bon élève" de exécutif, résume Le Figaro, mais peut-être aussi parce q’il "sor[t]peu de son couloir sectoriel", relève le quotidien. Interrogé jeudi sur le risque que sa réforme puisse aggraver les inégalités entre les établissements scolaires, le responsable s’est contenté d’affirmer que la mise en place des doublettes de disciplines "offrir[ait] plus de mixité sociale". Une manière de botter en touche : "M. Blanquer s’est refusé à répondre aux inquiétudes de ses interlocuteurs : il n’a pas réellement levé l’ambiguïté sur les futures 'doublettes' de spécialité au lycée, qui font craindre des disparités d’offre", tacle Le Monde.
Apprenti débatteur. Peu habitué de l’arène politique, le "bon élevé" Blanquer a également montré des signes d’agacement face à la contradiction, lorsqu’il a dû débattre avec Alexis Corbière, le député de la France Insoumise. Pas un coup de tonnerre, mais vingt minutes d’agitation "dans une atmosphère plutôt consensuelle", note Ouest France. "Arrêtons avec le simplisme", s’est agacé le ministre face aux critique de l’Insoumis, qui a notamment fustigé le manque de remplaçants ou encore les tarifs des cantines. "Je suis peut-être moins compétent que vous, mais je ne suis pas complètement idiot", lui a rétorqué Alexis Corbière. Chose assez rare à l’issue d’un débat politique, et preuve de sa singularité, Jean-Michel Blanquer a dit regretter la tension de cet échange.