Depuis plusieurs semaines, son nom circule en interne et apparaît à intervalles réguliers dans les colonnes des journaux. Selon France Inter lundi, ce serait désormais acté : c'est bien Jordan Bardella, 23 ans, qui sera tête de liste aux élections européennes pour le Rassemblement national. Une décision qui reste encore à valider, le 13 janvier prochain, lors de la convention du parti. En attendant, le jeune homme coche quasiment toutes les cases pour emmener sa famille politique vers la victoire qui, au vu des récents sondages, lui semble promise. Selon l'enquête de l'institut BVA publiée la semaine dernière, le RN arrive en tête avec 21% des suffrages, devant LREM.
"Un visage neuf". S'il est le candidat favori, c'est d'abord pour sa jeunesse. Né à Drancy, en Seine-Saint-Denis, en 1995, Jordan Bardella "est un visage neuf", estime auprès de L'Obs un futur membre de la liste des européennes. Du genre de ceux, bien peignés, que le Front national a beaucoup poussé vers la lumière ces dernières années, comme David Rachline (sénateur à 26 ans), Marion Maréchal-Le Pen (députée à 22 ans), Ludovic Pajot (député à 23 ans) ou, en son temps, Jean-Marie Le Pen (député à 27 ans). Du genre "qui peut ringardiser les jeunes blondes de 30 ans, si vous voyez ce que je veux dire", poursuit la même source dans l'hebdomadaire, alors que la nièce de Marine Le Pen, qui s'est éloignée de sa tante idéologiquement et de la vie politique officiellement, reste extrêmement populaire chez les militants RN.
" C'est un jeune talent, un garçon dynamique et plein de vie, qui a réussi à redynamiser Génération Nation. "
Bébé Front national. S'il n'a que 23 ans, Jordan Bardella a déjà de longues années de militantisme frontiste derrière lui, et largement eu le temps de faire ses classes. À 16 ans, il prend sa première carte de ce qui était encore le Front national. Quatre ans plus tard, il devient secrétaire départemental de Seine-Saint-Denis. Par la suite, il se présente à trois élections (les départementales en 2015, les régionales la même année, et les législatives en 2017) et en remporte une, devenant conseiller régional d'Île-de-France à 20 ans. De quoi emmagasiner une expérience suffisante pour se lancer dans les européennes ? La réponse de l'actuel étudiant en géographie à Valeurs actuelles n'aurait pas déplu à Napoléon : "On grandit vite sur le champ de bataille."
"Il allie la sagesse et l'enthousiasme". D'autant que le jeune homme ne s'arrête pas là. En septembre 2017, l'exclusion de Florian Philippot lui profite : il est propulsé porte-parole du Front national et, depuis, écume les plateaux télévisés. En mars dernier, il prend la suite de Gaëtan Dussausaye à la tête du Front national de la jeunesse. Sous son impulsion, et dans le sillage du reste du parti, la section forte de 20.000 adhérents change de nom, devenant Génération Nation. "C'est un jeune talent, un garçon dynamique et plein de vie, qui a réussi à redynamiser Génération Nation", s'extasie auprès d'Europe 1 Jean-Lin Lacapelle, qui a travaillé avec lui au sein de l'équipe de campagne pour 2017. "Il allie à la fois la sagesse et l'enthousiasme." Et a pour lui le fait de n'avoir aucune casserole, à l'exception d'une plainte pour diffamation après avoir accusé le maire LR d'Aulnay-sous-Bois, Bruno Beschizza, d'avoir des "liens troubles avec l'islamisme radical". À l'heure où l'affaire des assistants parlementaires européens employés directement par le parti touche de nombreux cadres du RN, c'est un argument non négligeable.
" Marine Le Pen souhaite faire la campagne en première ligne et la tête de liste ne doit pas prendre trop de place, ni trop de lumière. "
Des rapprochements à l'étranger. Autre qualité pour être candidat aux européennes : une famille maternelle d'origine italienne et une appétence pour les rapprochements avec de potentiels alliés à l'étranger. En juin dernier, lorsque le FNJ cède officiellement la place à Génération Nation, Jordan Bardella invite Davide Quadri, porte-parole des Jeunes de la Ligue italienne, et Bart Claes, président des Jeunes du Vlaams Belang, parti d'extrême droite flamand. En septembre, c'est à lui, qui pourtant comprend mais ne parle pas la langue, que Marine Le Pen confie le soin de faire un discours en italien au meeting de Matteo Salvini, le ministre de l'Intérieur transalpin dont elle se rapproche dans la perspective des européennes.
Contre "l'ensauvagement" et "l'idéologie bisounours". Enfin, Jordan Bardella a pour lui une totale adéquation avec la ligne de Marine Le Pen. Celui qui a tout fait pour se détacher de Florian Philippot, dont il a été proche, l'appelle désormais "ma patronne" et n'a eu de cesse, à la tête de la fédération de Seine-Saint-Denis, d'utiliser son vocabulaire. Dès 2015, alors en campagne pour les régionales, il dénonçait "l'ensauvagement ininterrompu" d'un territoire devenu "parc d'attraction pour délinquants" et "l'idéologie bisounours" des élus de gauche.
Un bon petit soldat. Ses détracteurs pointent aujourd'hui son incapacité à se détacher des éléments de langage. Son côté, aussi "vieux avant l'heure" et "robotique". Ce qui ne serait pas sans déplaire à Marine Le Pen, qui tiendrait à ne pas passer au second plan. "Elle souhaite faire la campagne en première ligne et la tête de liste ne doit pas prendre trop de place, ni trop de lumière", confie un cadre RN au Figaro. "De toute façon, la personne qui conduira la liste, c'est Marine Le Pen", abonde Jean-Lin Lacapelle. Il lui fallait derrière elle un bon petit soldat, qu'elle a trouvé en la personne de Jordan Bardella.