Lycéennes et Lycéens sont invités à défendre le droit des femmes. Une "journée de la jupe" est organisée vendredi dans tous les lycées français à l’initiative de plusieurs syndicats, dont le Syndicat général des lycéens, l'Union nationale lycéenne, la FIDL et l'UNL, réunis pour l’occasion dans un collectif. Parmi les mots d’ordre : la défense de l’égalité des salaires, la lutte contre le harcèlement et contre toute forme de sexisme. L’initiative intervient à la fin d’une semaine politique chargée, marquée par la nomination du nouveau gouvernement. "Nous aimerions être écoutés par le nouvel exécutif, entamer un dialogue, pour que le sexisme ne soit plus un tabou", explique à Europe 1 Coline, responsable de la communication du collectif.
L’initiative a en tout cas été saluée par Marlène Schiappa, la nouvelle secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes. "Cette journée montre que les jeunes générations font de l'activisme et sont prêtes à innover dans leurs modes d'action. Cela doit aussi interroger les politiques publiques que nous mettons en œuvre dès le lycée, et même avant : il est impératif d'agir dès le plus jeune âge, au moment où se construisent les premiers stéréotypes de genre", a-t-elle réagi auprès du site d’inspiration féministe Les Nouvelles News.
Durant sa campagne, Emmanuel Macron avait promis de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une "cause nationale". Pour l’heure, toutefois, les premiers signaux envoyés par le président de la République peinent à convaincre l’ensemble des défenseurs des droits des femmes.
La parité au gouvernement, pas à l’Elysée
Parmi les premiers signaux : la désignation des premiers membres de l’exécutif. Et dans la garde rapprochée du président, on trouve essentiellement des hommes : Alexis Kohler, Ismaël Emelien, Patrice Strzoda, Philippe Etienne, Sylvain Fort sont chargés de conseiller Emmanuel Macron à l’Elysée. Une seule femme, Sibeth Ndiaye, chargée de la communication du chef de l’Etat, fait partie de ce "premier cercle".
Deuxième déconvenue pour les défenseurs de la parité : la nomination d’un homme, Edouard Philippe, à Matignon. L’association Osez le féminisme a même taclé un "Premier ministre en marche arrière" sur les questions d'égalité. "Il s’est abstenu sur la question du mariage pour toutes et tous ; Il s’est abstenu sur la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle", regrette l’association. Et d’asséner : "Ou bien M. Philippe n'a jamais trouvé le bouton 'pour' sur la table de vote, ou bien l'égalité femmes - hommes n'est pas une priorité politique pour lui".
" On peut toujours faire mieux, c’est certain "
Mais c’est surtout la nomination du gouvernement qui était attendue au tournant. Le 28 mars dernier, Emmanuel Macron avait promis : "Mon gouvernement sera composé pour moitié de femmes, y compris à des ministères de premier plan". Et la promesse a globalement été tenue : sur 22 personnalités, onze sont des femmes. Mais sur les cinq ministères régaliens, un seul est dirigé par une femme : celui des Armées, avec à sa tête l'eurodéputée Sylvie Goulard. "On peut toujours faire mieux, c’est certain. Mais cette parité envoie tout de même un signal très positif", commente, pour sa part, Olga-Trostiansky, présidente du Laboratoire de l'égalité, contactée par Europe 1.
Un Secrétariat d’Etat plutôt qu’un ministère
Dans ce gouvernement, on trouve notamment un poste de secrétaire d’Etat en charge de l’égalité entre les hommes et les femmes, occupée par Marlène Schiappa. Là encore, la création de ce secrétariat ne fait pas l’unanimité. Pendant la campagne, Emmanuel Macron avait promis un "ministère plein et entier des Droits des Femmes". "Loupé, c’est un secrétariat d’Etat" a raillé Osez le féminisme, mercredi sur Twitter, dénonçant une promesse non tenue. Pour Olga Trostiansky, présidente du Laboratoire de l'égalité, il faut toutefois se réjouir du rattachement de ce secrétariat d’Etat à Matignon. "Cela représente un double avantage : pour la transversalité et le budget. Cela va permettre de mettre à contribution d’autres ministères (et donc leur budget), comme l’Education nationale ou la culture. C’est très important", poursuit-elle.
Au-delà du poste en lui-même, c’est la personnalité de Marlène Schiappa (son portrait ici) qui suscite le débat. L’actuelle secrétaire d’Etat avait notamment provoqué une polémique, en 2010, au moment de la publication de son ouvrage Osez l’amour des rondes, un livre de la collection Osez des éditions La Musardine, qui regroupent des ouvrages à caractère érotique. Dans le livre, on trouve par exemple un chapitre sur la "fellation, spécialité des rondes" ou encore des passages du type "les rondes sont sexy, elles sont sensuelles, elles attirent le mâle en rut".
" C’est une femme engagée et volontaire sur les questions d’égalité "
Plusieurs militantes féministes avaient, à l’époque, critiqué le livre, considérant qu’il aggravait les préjugés sur les rondes. "Sous couvert de vouloir décomplexer les femmes corpulentes qui n’osent pas assumer leur vie sexuelle, on a droit à un catalogue d’idées reçues aussi fausses que celles qu’elles prétendent jeter aux orties", critiquait ainsi, en 2011, la bloggeuse féministe Daria Marx.
"C'est un livre érotico-rigolo sur/pour les rondes. Mon but en écrivant ce livre c'était justement de sortir les rondes du ghetto […] J'essaye d'habituer l'oeil à voir des rondes, de sortir un peu de ces clones maigres-jeunes-blondes", avait défendu l’actuelle secrétaire d’Etat, en 2011, dans une tribune sur son blog hébergé sur le site Internet du Nouvel Obs. "Personnellement, je l’ai vue travaillé dans l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron. C’est une femme engagée et volontaire sur les questions d’égalité", estime, pour sa part, Olga Trostiansky, qui avait proposé un Pacte pour l’égalité aux candidats à la présidentielle, pacte qu’avait signé Emmanuel Macron.
Dans le programme : beaucoup de promesses, peu de concret
Au-delà de ce "Pacte" signé par Emmanuel Macron pendant la campagne, le programme du candidat d’En Marche ! contenait un certain nombre de propositions (à retrouver ici). Parmi elles : la transparence dans les critères d’attribution des crèches, la possibilité donnée au Défenseur des droits de faire des contrôles inopinés dans les entreprises pour s’assurer d’une politique salariale égalitaire, la parité dans les administrations de l’Etat, la hausse des amendes pour incivilité ou encore la généralisation du téléphone d’alerte pour secourir plus rapidement les victimes de violence.
" Nous avons retrouvé de vieilles promesses "
Si les associations portent un regard bienveillant sur le message général, elles attendent davantage de mesures concrètes. "Pour nous, il faut s’attaquer au problème dès l’école, avec des conférences, des interventions régulières. Aujourd’hui, la lutte contre le sexisme est encore trop taboue au sein de l’Education nationale", prévient par exemple Odile, du collectif "Journée de la jupe". "Des engagements ont été pris durant la campagne, parmi lesquels nous avons retrouvé de vieilles promesses, dont nous attendons la mise en place depuis plusieurs années. Sans ces actions, aucune politique féministe crédible ne peut exister", renchérit Osez le féminisme.
Pour Olga Trostiansky, le "concret" est surtout conditionné à une chose : le résultat des élections législatives. "C’est là le plus important. Il va falloir que tous les candidats s’engagent pour que le gouvernement actuel puisse mener une politique ambitieuse". Son "Laboratoire de l'égalité" envisage de distribuer de nouveau son "Pacte" aux candidats, et de publier le nom de ceux qui ont accepté de le signer.