Le président Emmanuel Macron a pu échanger mercredi avec les soldats ukrainiens dans un camp militaire du Grand Est non identifié pour des raisons de sécurité. "Comment ça se passe ? Ça correspond à vos besoins ?", s'est-il enquis devant des hommes portant l'écusson rouge et noir orné d'un scorpion de la 155e brigade.
Le chef de l'Etat avait annoncé en juin la formation et l'équipement complet d'une brigade lors de la visite en France du président ukrainien Volodymyr Zelensky à l'occasion du 80e anniversaire du Débarquement allié en Normandie. Accompagné des ministres français des Armées Sébastien Lecornu et ukrainien de la Défense Roustem Oumerov, il a insisté sur leurs besoins et leurs attentes.
"Il s'agit de synchroniser les doctrines. La gestion du champ de bataille évolue en permanence", a répondu un officier dont le pays ambitionne d'entrer le plus vite possible dans l'Otan pour conjurer la menace russe future. "Vous avez aussi beaucoup fait évoluer les choses par votre action et votre résistance", a renchéri le président lors de cet échange dans le foyer des Ukrainiens, avec babyfoot et flippers. L'Armée de Terre française va former et entraîner 2.300 soldats de la brigade, baptisée Anne de Kiev, du nom de l'épouse du roi de France Henri Ier, une première à cette échelle dans un pays européen.
"Retours d'expérience"
La brigade 155 doit être "bonne à la guerre", c'est-à-dire "fonctionnelle, au front, dès la fin de cette formation", a précisé un conseiller de l'Elysée. Celle-ci doit s'étaler sur deux mois (octobre-novembre). Les entraînements reposent sur les "retours d'expérience" du champ de bataille ukrainien, des informations précieuses aussi pour les Français, plus familiers du Sahel, qui appréhendent ainsi un autre vécu.
"Leur retour d'expérience nous enrichit aussi dans la prise en compte de certaines menaces telles que les drones", relève le lieutenant-colonel Geoffroy. "Ça nous permet aussi de bénéficier d'une infrastructure bien réalisée avec des moyens considérables", fait-il aussi observer.
Sur le terrain, les soldats opèrent dans des tranchées à l'identique du champ de bataille ukrainien, en conditions réelles, dans le stress, les enchaînements de tirs et les survols de drone, nouveauté de la guerre du 21e siècle. Lors d'un entraînement mercredi, les tirs de canons Caesar résonnaient aussi au loin, au milieu des échanges de tir entre Ukrainiens et forces ennemies, sous une pluie battante. "La formation se passe très bien. Les soldats ukrainiens progressent plus vite que ce que l'on pensait", a expliqué le colonel Paul, qui dirige la formation des militaires ukrainiens, aux ministres Lecornu et Oumerov.
Un hiver rude
Les conditions de vie sont aussi très rustiques, entre préfabriqués et douches de campagne, au plus près du contexte ukrainien. Sur cette brigade de 4.500 soldats, l'état-major, trois bataillons d'infanterie et leurs appuis (génie, artillerie, surveillance sol-air et reconnaissance) seront formés en France, le reste — soit 2.200 — en Ukraine par des Ukrainiens.
La France va l'équiper à hauteur de 128 véhicules blindés de l'avant (VAB), 18 canons Caesar, "plus de 18" AMX-10, 20 postes de missiles antichar Milan et 10 gros camions militaires TRM 10.000 conçus pour des missions de soutien en terrain difficile. Emmanuel Macron a aussi annoncé en juin la livraison d'avions de chasse Mirage 2000-5 aux Ukrainiens. Des pilotes et mécaniciens sont déjà en cours de formation sur les appareils qui seront cédés.
La France a déjà formé au total plus de 15.000 soldats ukrainiens dans divers domaines (combat d'infanterie, artillerie, maintenance des matériels cédés, santé, etc.). L'Ukraine pourrait être confrontée à son hiver le plus rude depuis l'invasion russe de ce pays le 24 février 2022, a averti le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte. Les forces ukrainiennes ne cessent de perdre du terrain dans le Donbass, dans l'est du pays, où l'armée russe annonce presque chaque jour la prise de nouveaux villages, se rapprochant de la ville stratégique de Prokovsk.