À plusieurs reprises, Emmanuel Macron, qui n'a jamais caché son affection pour Marseille. 1:31
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Europe 1 avec AFP // Crédit photo : Christophe Ena / POOL / AFP , modifié à
La Cour des comptes dénonce un suivi "indigent" du plan "Marseille en grand", trois ans après son lancement en grande pompe par Emmanuel Macron, regrettant le "défaut de cohérence" et les "insuffisances intrinsèques" qui "pèsent sur sa mise en œuvre", dans un rapport publié lundi 21 octobre.

Le verdict est sévère. Il s'agit d'un premier rapport sur les premiers pas du plan "Marseille en grand"  et le moins qu'on puisse dire, c'est que les conclusions de la Cour des comptes interrogent sur la viabilité de l'opération dévoilée par le président de la République. Trois ans après son lancement, la Cour des comptes dénonce un suivi "indigent" du plan "Marseille en grand"

 

Un plan qui prend du temps 

Conséquence, ce plan avance très lentement : fin 2023, seulement 1,31 % du montant total annoncé avec plus de 5 milliards d'euros avait été décaissé par l'Etat, selon le rapport présenté à la presse par la présidente de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur, Nathalie Gervais. Rénover les écoles insalubres, développer les transports en commun sur un territoire qui n'a que deux lignes de métro pour plus de 870.000 habitants, réduire la fracture géographique et sociale entre les quartiers nord et sud, renforcer les effectifs de police : ce plan, destiné à rattraper les retards historiques de la deuxième ville de France dont certains quartiers sont les plus pauvres d'Europe, se voulait "exceptionnel" par son montant et son contenu. Or, estime la Cour, "la réalité du caractère exceptionnel et global du plan Marseille en Grand mérite d'être nuancée". Ainsi, les cofinancements nouveaux s'élèvent en réalité à seulement 28 % - soit 1,55 milliard d'euros - du montant total annoncé. "Conçu de manière précipitée" et "sans concertation préalable avec les acteurs", le plan présente "un défaut de cohérence d'ensemble".

En outre, il souffre "d'un défaut majeur de formalisation" puisqu'il "ne s'appuie sur aucun autre document que la transcription du discours du président de la République", le 2 septembre 2021. Le rapport pointe également l'absence de "calendrier d'ensemble" et "le caractère insuffisant de la gouvernance et des moyens de pilotage" entre les différents acteurs que sont l'Etat, la ville de Marseille dirigée par le maire divers gauche Benoît Payan et la métropole dirigée par la divers droite Martine Vassal. "Les moyens que l'Etat a consacrés au suivi du plan ne sont pas à la hauteur des enjeux et peuvent être qualifiés d'indigents", insiste-t-elle.

 

Une "chance pour les Marseillais" 

Toutefois, "ce plan est une chance pour les Marseillais", a nuancé lundi Nathalie Gervais, relevant notamment "des résultats avec les premières livraisons d'écoles", neuves ou rénovées. Le rapport note toutefois que le plan n'intègre "aucune mesure spécifique visant à améliorer le climat scolaire, renforcer la santé des élèves ou accroître la mixité sociale". Côté transports, comme l'ont déjà martelé de nombreux acteurs locaux : les 15 projets prévus par le plan "ne répondent que partiellement à l'objectif affiché de l'Etat de désenclaver les quartiers nord" qui ne bénéficient d'aucune liaison directe avec le centre-ville. Sur le logement, "le plan ne prévoit aucune action relative au renforcement de la mixité sociale et de lutte contre la ségrégation résidentielle (entre le nord et le sud de la ville, NDLR), ni sur l'enjeu de production de logements, notamment sociaux". Sur l'emploi, les mesures se limitent à l'"entrepreneuriat des jeunes des quartiers défavorisés" sans prendre en compte "la diversité des publics concernés par les difficultés d'accès à l'emploi".

Globalement, estime la Cour, le plan "présente des insuffisances intrinsèques et organisationnelles de nature à compromettre la pleine satisfaction des besoins qu'il vise en priorité". La Cour préconise donc de définir "un cadre contractuel" assorti d'un calendrier et d'un dispositif d'évaluation, et de "formaliser des modalités de gouvernance" en associant "les différents acteurs au sein d'une même instance". Dans leurs réponses à la Cour, Etat, mairie et métropole se renvoient la balle, les services du Premier ministre soulignant une "absence de consensus entre acteurs locaux" et l'incapacité "des collectivités locales à adhérer à l'ambition du plan".

À plusieurs reprises, Emmanuel Macron, qui n'a jamais caché son affection pour Marseille, venant à de multiples reprises pour incarner ce plan, avait déjà regretté les "chicayas locaux". Pour tous, le rapport tombe très mal en période de coupes budgétaires. Dans son rapport, rédigé avant le changement de gouvernement, la Cour soulignait déjà que, faute de "formalisation" du plan, "certains de ses financements n'ont fait l'objet d'aucun engagement juridique et ne sont donc pas garantis". D'autant que, dans le gouvernement de Michel Barnier, le portefeuille de la politique de la Ville, jusqu'alors occupé par la Marseillaise Sabrina Agresti-Roubache, a été supprimé.