Faut-il s'attendre à de nouveaux débats jusqu'à des heures indues, des députés de droite survoltés et des controverses enflammées au sein de l'Hémicycle ? Alors que le Comité national d'éthique (CCNE) s'est dit mardi favorable à l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, y compris en couple lesbien ou célibataires, l'ombre des houleuses discussions sur le mariage pour tous, il y a quatre ans déjà, plane sur l'Assemblée nationale.
"Il ne s'agit pas de rejouer le match". Pourtant, si le gouvernement s'empare du sujet et fait passer un projet de loi, ainsi qu'Emmanuel Macron l'a promis pendant sa campagne présidentielle, il n'est pas certain que le scénario de 2013 se reproduise. La droite semble en effet peu encline à se livrer à une nouvelle guerre de tranchées. "Il ne s'agit pas de rejouer le match", prévient ainsi le député LR de la Manche Philippe Gosselin. L'élu, fervent catholique, était en pointe pendant les débats sur le mariage pour tous. Et n'a pas changé d'avis. "J'ai des convictions", poursuit-il. "Et j'invite Emmanuel Macron à être prudent, à ne pas réveiller de vieilles querelles."
"Je ne lancerai pas de grandes manifestations". En revanche, Philippe Gosselin est persuadé que les temps ont changé. Et qu'il faudra "faire les choses autrement". Autrement dit, pas question de réveiller la Manif pour tous. "Je ne lancerai vraisemblablement pas de grandes manifestations sur le sujet", assure-t-il. "L'urgence n'est pas là. Je serais surpris qu'Emmanuel Macron ne fasse pas [de projet de loi sur la PMA] puisqu'il l'a promis, mais on a du temps pour regarder les choses sereinement."
" Il faut faire les choses autrement. Je ne lancerai vraisemblablement pas de grandes manifestations sur le sujet. "
Une droite plus préoccupée par sa recomposition… "L'urgence", pour la droite, est d'abord dans sa recomposition. Pour le moment, les divisions internes avec la constitution de deux groupes distincts à l'Assemblée, l'un "constructif" vis-à-vis de la majorité et l'autre franchement dans l'opposition, ont occupé tous les esprits. Et la perspective d'un Congrès en fin d'année pour choisir non seulement un nouveau président au parti, mais aussi une ligne, risque fort d'occuper les Républicains pendant plusieurs mois.
…et par les questions économiques. "L'urgence" est aussi dans les thématiques économiques et sociales plutôt que sociétales. Toute la campagne des législatives des candidats LR a été tournée ainsi, en se positionnant comme les défenseurs du pouvoir d'achat et contre, notamment, la hausse de CSG contenue dans le programme d'Emmanuel Macron.
Le conservatisme sociétal n'a pas payé. Par ailleurs, camper sur des positions conservatrices en matière sociétale n'a pas vraiment porté chance à la droite cette année. François Fillon, candidat rallié par Sens Commun, l'association politique issue de la Manif pour tous, est apparu soutenu par ce noyau dur de droite décomplexée jusqu'au bout, mais lâché par la branche modérée de son parti, tant du côté des militants que des responsables. Des six candidats Sens Commun aux législatives, aucun n'a été élu. Cinq ont même été éliminés dès le premier tour. Et en interne, la mainmise de l'association a été dénoncée par bien des caciques, notamment Dominique Bussereau, qui avait estimé que c'était "une erreur".
L'arrivée de @SensCommun_ au sein du parti @lesRepublicains a eté une erreur,sa présence dans un Gouvernement serait une faute.
— Dominique Bussereau (@Dbussereau) 15 avril 2017
Évolutions sociétales. Enfin, Philippe Gosselin comme ses collègues ne perdent pas de vue les évolutions de la société. Au fil des sondages et des années, les Français sont de plus en plus majoritairement favorables au mariage pour les couples de même sexe, au fait qu'ils puissent adopter, mais aussi à la PMA pour toutes. Un sondage Ifop publié le 20 juin montre ainsi que 60% des Français sont pour "que les couples de femmes homosexuelles désirant un enfant puissent avoir recours à l'insémination artificielle". En 2016, ce taux était de 54%, selon une enquête Odoxa. Dans les années 2000, il n'excédait pas 50%.
La société civile prête à s'engouffrer dans la brèche. Si la droite ne bondit pas sur le sujet de la PMA pour en faire un casus belli, cela ne signifie pas pour autant que le gouvernement a le champ libre. La société civile n'hésitera pas, elle, à s'engouffrer dans la brèche. Dès mardi, la Manif pour tous s'est bruyamment manifestée, notamment sur les réseaux sociaux, pour dénoncer l'avis du CCNE.
L'Église catholique, elle aussi, est montée au créneau, avec une tribune de l'archevêque de Rennes, en charge des questions d'éthique au sein de l'épiscopat, dans Le Monde. "Il serait regrettable pour tout le monde que le président de la République et le gouvernement prennent rapidement des décisions qui suscitent la division en réveillant les passions", écrit notamment Monseigneur Pierre d'Ornellas. Si les débats s'annoncent plus apaisées à l'Assemblée, il n'est pas certain que la rue ne s'enflamme pas de nouveau.