Les six chiffres ont fait le tour des réseaux sociaux, lundi, après la publication d'un article de La Lettre A. Celui-ci révèle "le salaire pas très 'gilet jaune' de Chantal Jouanno" et précise : "l'ex-sénatrice de Paris, chargée de coordonner la consultation citoyenne voulue par Emmanuel Macron, devrait être rémunérée 176.000 euros en 2019". Vivement critiqué par de nombreux politiques et anonymes, ce salaire - brut -, correspondant à environ 14.500 euros mensuels, alimente depuis la polémique. "Il y a des joueurs de foot qui gagnent un million d'euros par mois et ça ne choque personne", a été jusqu'à justifier le ministre de la Transition écologique François de Rugy, prenant la défense de l'ancienne sénatrice mardi matin sur Europe 1. "Si on considère qu'exercer des responsabilités politiques est quelque chose qui doit être rémunéré au salaire minimum, ça veut dire qu'on considère qu'il n'y a plus d'échelle de valeurs dans les responsabilités." Europe 1 pose les enjeux de cette rémunération.
Quelle est la fonction occupée par Chantal Jouanno ?
Ce salaire "n'est pas lié à cette mission (d'organiser le Grand débat national, ndlr)", a déminé la principale intéressée sur Franceinfo, lundi. C'est vrai : la rémunération de Chantal Jouanno est prévue pour la globalité de sa fonction de présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP). Elle supervisera donc le déroulé du fameux Grand débat promis en réponse à la mobilisation des "gilets jaunes", tout en continuant d'assurer ses autres missions.
Quelles sont-elles ? Créée en 1995, la CNDP est chargée de "veiller au respect de la participation du public au processus d'élaboration des plans et programmes au niveau national, et de certains grands projets d'aménagement ou d'équipement (...)", selon une annexe au projet de loi de finance 2019. Concrètement, cette autorité administrative indépendante - bien qu'hébergée par le ministère de l'Écologie - organise des débats et concertations sur des projets d'infrastructures ou de mesures envisagées par les autorités publiques. Comme les deux vice-présidents de la CNDP, Chantal Jouanno, nommée début 2018, exerce ses fonctions à plein temps. Selon Marianne, elle supervise l'organisation de 199 débats.
Qui fixe son salaire ?
"C'est un salaire qui est fixé par les autorités, c'est le salaire du président de la CNDP quel qu'il soit", a posé Chantal Jouanno sur Franceinfo. Comme pour les autres autorités administratives indépendantes, le salaire du président de la commission est en effet déterminé par décret gouvernemental - il ne fait donc pas l'objet d'un débat au Parlement. L'annexe au projet de loi de finance précise que la "rémunération" de Chantal Jouanno comprend en fait son salaire, mais aussi son indemnité de résidence et l'ensemble des primes et indemnités qu'elle doit recevoir - le montant 2019 est pour l'instant indiqué à titre indicatif.
Celui-ci est-il "anormalement élevé" ?
Légèrement en hausse ces dernières années (elle était de 156.000 euros en 2017), cette rémunération peut être comparée à celles des autres présidents d'autorités administratives. Celui de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires touche par exemple 150.000 euros brut par an, pour dix agents à temps plein, soit à peu près le même nombre qu'au sein de la CNDP. Le président de l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières touche lui 154.000 euros environ, celui de l'autorité de la concurrence 194.000 euros et celui de l'autorité de sûreté nucléaire 223.000 euros.
Marianne relève d'autres exemples de rémunérations inférieures, comme celle du président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui s'élève à 8.037 euros bruts par mois, pour 51 fonctionnaires employés à plein temps. La rémunération de Chantal Jouanno est aussi supérieure à celle d'un ministre, de l'aveu même de François de Rugy. "Ce n'est pas une question de comparaison entre nous", a-t-il assuré mardi. "Il y a des joueurs de foot qui gagnent un million d'euros par mois et ça ne choque personne".