Manuel Valls n’est plus le favori de la primaire PS, alors il passe à l’offensive. Dans un premier temps, l’ancien Premier ministre a pointé le programme irréalisable - à ses yeux - de son adversaire, Benoît Hamon. Désormais, c’est sur le communautarisme que lui et ses soutiens concentrent leurs tirs. Avec un présupposé : Benoît Hamon serait trop laxiste avec l’islamisme radical. Le principal intéressé, forcément, le prend mal. Mais il n’a sans doute pas fini de répondre aux attaques sur ce sujet.
- La déclaration qui a tout déclenché
Si Benoît Hamon est attaqué sur ce sujet, c’est en fait parce qu’il paye sa réaction - mesurée - à un reportage de France 2 diffusé en décembre 2016, et qui montrait que des femmes n’étaient pas la bienvenue dans certains cafés de Sevran, en Seine-Saint-Denis, ou dans certains bars de la banlieue lyonnaise. "Si on parle des cafés, il y a deux choses. Historiquement, dans les cafés ouvriers, il n’y avait pas de femmes", a d’abord réagi sur France 3 le député des Yvelines, avant d’employer le conditionnel. "Là, en l’occurrence on parle de cafés, à Sevran, parce qu’on estime que l’espace public est confisqué aux femmes, pourquoi, parce qu’ils seraient à majorité musulmane".
Benoît Hamon avait aussi choisi de mettre l’accent sur l’origine avant tout sociale du problème. "D’abord, remettons des questions sociales avant de mettre des questions religieuses sur ces sujets-là. Qu’il y ait aujourd’hui une pression faite sur certaines femmes par des fondamentalismes religieux, je ne l’ignore pas. Et la République doit être forte, mais pas simplement dans le fait de punir, mais de permettre à chacun de s’épanouir et de vivre les valeurs de la République", avait-il déclaré. Et de conclure : "J’interroge aussi ce qui est la responsabilité de la République dans le fait qu’il existe des ghettos sociaux où l’espace public peut être aujourd’hui confisqué."
A l’époque, ce relativisme était très mal passé et avait provoqué la réaction outrée de certaines associations féministes et d’élus de tous bords.
Le déni du problème par la gauche est choquant! Des cafés interdits aux femmes en France ? Benoît Hamon relativise… https://t.co/ZJ9ifIKDIE
— Valérie Pécresse (@vpecresse) 18 décembre 2016
Les propos honteux de B.Hamon sur les cafés sans femmes prouvent qu'ils sont prêts à tout lâcher, tout sacrifier pour sauver leurs dogmes.
— Florian Philippot (@f_philippot) 19 décembre 2016
- Un feu nourri
Et c’est bien avec cette séquence en tête que Manuel Valls et ses soutiens ont lancé l’offensive. "Je défendrai une vision de la laïcité que je veux incarner, la lutte contre le communautarisme. Lui, Benoît Hamon, est ambigu sur ces questions", a déclaré Manuel Valls lundi soir sur TF1. "Je défendrai notamment l'égalité entre les femmes et les hommes. On ne peut pas souffrir de la moindre ambiguïté quand, par exemple, des femmes sont interdites d'espaces et de lieux publics". Rebelote mardi matin sur France info. "Il y a des ambigüités, et il y a des risques d’accommodement de sa part avec l’islamisme radical, a jugé l’ex-Premier ministre. "Il faut sortir de toutes les ambigüités. Dans cette campagne qui commence, il me semble important qu’on soit au clair : il ne peut pas y avoir le moindre compromis avec le communautarisme". Le message est clair.
Manuel Valls:"Il y a des ambiguïtés, des risques d'accommodement" avec l'islamisme radical de la part de Benoît Hamon pic.twitter.com/pH0d4TrQLs
— franceinfo (@franceinfo) 24 janvier 2017
Et il l’est plus encore quand ce sont les soutiens du candidat, dont la parole est par nature plus libre que celle du candidat lui-même, qui s’expriment. "Maintenant, il faut faire le choix entre les valeurs républicaines et le communautarisme", écrivait après les résultats de dimanche dernier Sébastien Gros, ex-directeur de cabinet de Manuel Valls à Matignon, relève mardi Libération. Et dans le même quotidien, un ministre vallsiste, sous couvert d’anonymat, lâche carrément : "Hamon est le candidat des Frères musulmans". Les vannes sont ouvertes. "On va mettre le doigt sur le laxisme de Hamon par rapport à l’islamisme", promettait un proche de Manuel Valls dans Le Monde dès dimanche soir. C’est fait.
- Hamon se défend
Evidemment, Benoît Hamon ne reste pas de glace face à ces attaques "très graves", a-t-il jugé mardi matin sur Europe 1. "Elles me heurtent et me révoltent", a poursuivi le candidat, qui a mis en avant son projet de créer un corps d’administration chargée de lutter contre les discriminations, et y compris de vérifier "si dans un espace comme les cafés, on n’interdit pas les femmes". Puis l’ancien ministre a riposté : "Ce qui est en train de se faire, de la part de néoconservateurs de gauche comme de droite qui font de l’islam une cible, ce n’est pas à la hauteur du débat politique. C’était plutôt des critiques qui venaient de la droite. Quand on lit mes propositions, on voit qu’il y a un programme étayé, étoffé, pensé, là où en face il n’y a pour l’instant qu’une critique du programme de Benoît Hamon comme seul avenir qu’on offre aux Français".
- Ça promet pour le débat
Assurément, le sujet sera abordé mercredi lors du débat télévisé entre Manuel Valls et Benoît Hamon, et il est propice à un moment de tension entre les deux finalistes de la primaire. Car en la matière, la divergence est profonde. L’ancien Premier ministre prône une application de la laïcité de combat, comme l’a montré, l’été dernier, sa proposition très ferme sur les burkinis. Au contraire, son ancien ministre de l’Education préconise une laïcité plus souple et met l’accent sur les causes sociales dans le processus de radicalisation de certains musulmans.
En tout état de cause, cette stratégie du camp Valls de cibler sur un point précis son adversaire n’est pas sans rappeler celle du camp Juppé entre les deux tours de la primaire de la droite. A l’époque, les soutiens du maire de Bordeaux avaient attaqué François Fillon sur sa position ambiguë sur l’avortement et promettait une offensive marquée sur ce sujet pendant le débat d’entre-deux-tours. Mais le désormais candidat de la droite, forcément bien préparé, avait en fait habilement paré les coups. Et au final, la tactique n’avait pas été payante. Manuel Valls est prévenu.