Au Front national, tous les regards sont tournés vers 2017. Le parti réunit en fin de semaine, à huis clos, une cinquantaine de ses cadres pour préparer ses troupes à la campagne présidentielle dans un an. Objectif : être plus crédible pour passer la barre du second tour, que l'extrême droite avait atteinte en 2002 mais contre laquelle elle se casse les dents scrutin après scrutin depuis.
L'euro au cœur des débats. Les responsables du Front national ont identifié un problème majeur : leur projet économique. La sortie de l'euro, notamment, est devenue la phobie des cadres du parti frontiste, qui ne veulent plus être interpellés sur cette question. Cette proposition avait pourtant été centrale lors de la campagne de Marine Le Pen en 2012. A l'époque, la présidente du Front national prônait une renégociation des traités européens pour abandonner la monnaie unique.
Séduire les CSP+ et les retraités. Mais cette idée a coûté de nombreuses voix à l'extrême droite, notamment aux dernières élections régionales. Tout comme les CSP+, les retraités, inquiets pour leur épargne, sont très réfractaires à la sortie de l'euro. Pour élargir sa base électorale, le parti doit donc infléchir son programme économique. Le 20 janvier, Louis Aliot, vice-président du Front national, annonçait dans un entretien au Figaro attendre un "changement important".
"Il faut qu'il change". "Nous devons réfléchir pour voir si l'on peut préserver l'euro et le faire évoluer ou s'il faut changer de monnaie, c'est-à-dire revenir au franc", expliquait le même jour Jean-Lin Lacapelle, nouvel homme fort du Front national, dans une interview à l'hebdomadaire d'extrême droite Minute.
Maire de Béziers proche du FN, Robert Ménard allait même plus loin vendredi. "Si le Front national veut gagner, il faut qu'il change", a-il insisté au micro de France Info. "Faire de la sortie de l'euro l'alpha et l'omega de toute politique me semble être une mauvaise idée."
Changer sans se renier. Difficile, néanmoins, de faire totalement machine arrière. "On aurait l’air de zouaves", admet un dirigeant frontiste. Florian Philippot lui-même a sonné la fin de la récréation dans un communiqué, réaffirmant que "le retour à une monnaie nationale est une mesure indispensable". Le Front national ne se dirige donc pas vers un enterrement brutal de la mesure, mais devrait opter pour davantage de pédagogie et de communication.
La stratégie de l'enfouissement. Une autre stratégie consisterait à "enfouir" ce retour à une monnaie nationale sous un tas d’autres propositions plus libérales. Le FN devrait proposer, par exemple, un allègement de cotisations pour les entreprises. Le parti pourrait également renoncer à la retraite à 60 ans et opter pour 40 annuités soit, dans les faits, une retraite à 63 ans. Marion Maréchal-Le Pen, députée FN du Vaucluse, est également favorable à la suppression de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Étatisme contre libéralisme. Le séminaire de la fin de la semaine verra donc probablement deux lignes s'affronter sur le volet économique : celle, étatiste, de Marine Le Pen et Florian Philippot face au libéralisme assumé incarné par Marion Maréchal-Le Pen, dans la droite ligne de son grand-père (qui se vantait d'être le "Reagan français"). Ce libéralisme doit permettre au Front national, qui a déjà siphonné les voix de gauche grâce à son programme social, d'attirer les électeurs de droite.