Entre un meeting de rentrée à Châteaurenard, mercredi, et une séance grimpette en montagne dimanche, Laurent Wauquiez a annoncé jeudi soir dans Le Figaro ce que tout le monde savait déjà : le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes est candidat à la présidence des Républicains.
Bien décidé à remporter le scrutin, qui se déroulera en décembre, Laurent Wauquiez part avec le costume de favori. En privé, il se féliciterait d'avoir "déjà gagné" et n'envisagerait même pas la tenue d'un second tour. Un avis partagé par tous les caciques LR, aux yeux desquels l'auvergnat à parka rouge, qui enflammait toujours les militants avant les meetings de Nicolas Sarkozy lors de la précédente campagne pour la présidence en 2014, est le plus populaire d'entre eux.
Noyau dur. Il n'y a pas que l'applaudimètre qui témoigne de cette connexion avec la base militante LR. Laurent Wauquiez est aujourd'hui tenant d'une ligne de droite "décomplexée". "Il faut que la droite soit vraiment de droite", explique-t-il au Figaro, avant de mentionner pêle-mêle le refus du "communautarisme" et de "l'intégrisme islamique qui petit à petit ronge notre société", la défense des frontières, l'"histoire" et les "racines" de la France à "assumer", ou encore "l'assistanat". Or, la campagne présidentielle a montré que la base militante était sur la même longueur d'onde. D'abord en élisant François Fillon, libéral et conservateur, à la primaire, puis en le soutenant contre vents et scandales. "[Son] score massif donnait une prime à la ligne droitière", explique Jérôme Fourquet, de l'Ifop, à Atlantico. "Cette ligne a été affirmée lors de la campagne. Le noyau militant semble avoir suivi et avait répondu au moment du Trocadéro."
Laurent Wauquiez occupe donc le créneau qui semble le plus à même de plaire à la base LR. Et ses adversaires semblent aussi avoir fait ce constat, puisque parmi les poids lourds qui auraient pu lui tenir tête, Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand, aucun n'a choisi de se présenter. "Sans doute ont-ils fait l'analyse que leur ligne était minoritaire auprès des adhérents", note Jérôme Fourquet.
"Fou", "dangereux". Populaire auprès des militants, Laurent Wauquiez, et c'est là tout le paradoxe, l'est beaucoup moins au sein des cadres de son propre parti. Même Nicolas Sarkozy s'étonne : "c'est incroyable le nombre d'ennemis qu'il a !" De lui, Eric Woerth dit, selon Le Point, que "c'est un fou", "sans filtre, sans limite". "Il a zéro conviction mais il bosse énormément, ce qui le rend d'autant plus dangereux", renchérit Luc Chatel. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes est haï pour son opportunisme mais aussi pour ses convictions politiques que certains jugent beaucoup trop proches de celles de l'extrême droite.
" La vérité, c'est que tout le monde a peur que Laurent Wauquiez fasse un jour alliance avec le Front national. "
"La vérité, c'est que tout le monde a peur qu'il fasse un jour alliance avec le Front national", nous résume un député LR. Le refus de Laurent Wauquiez d'appeler à voter Emmanuel Macron contre Marine Le Pen au second tour de la présidentielle a renforcé les craintes de beaucoup. Et les constants appels du pied que certaines personnalités d'extrême droite, notamment Marion Maréchal-Le Pen et Robert Ménard, ne cessent de lui faire, ne sont pas de nature à rassurer.
Vers une scission ? Si elle ne surprend personne, l'annonce de sa candidature, couplée à ses grandes chances de victoire, risque fort d'ébranler une droite déjà divisée après la présidentielle et les législatives. La scission entre les tenants d'une ligne plus de centre-droit et les purs décomplexés est-elle devenue inévitable, maintenant que Laurent Wauquiez est officiellement candidat ? À première vue, une clarification semble inévitable. D'après FranceInfo, les quatre membres du gouvernement LR (Edouard Philippe, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu) ainsi que les deux leaders du groupe Constructifs à l'Assemblée, Thierry Solère et Franck Riester, seront exclus du parti en octobre.
Par ailleurs, ces derniers ont multiplié les déclarations chocs ces derniers jours. Thierry Solère estime désormais n'avoir plus rien à voir avec l'homme à la parka. "Au bout de deux heures de débat de Macron, j'ai du mal à voir ce qui nous éloigne", confie-t-il au Monde. "Au bout de cinq minutes d'un meeting de Wauquiez, j'ai envie de sortir de la salle." Gérald Darmanin ne se montre pas plus tendre au micro d'Europe 1 : "si je vois qu'il y a le choix entre Laurent Wauquiez et Daniel Fasquelle [pour la présidence du parti], j'ai plutôt envie de partir des Républicains."
La famille, c'est sacré. L'implosion de la droite n'a cependant rien d'inéluctable. Dans les rangs des députés LR, on se veut plutôt rassurant. "On est une famille. Comme dans toutes les familles, on a l'oncle facho, le cousin alcoolo et la nièce un peu baba-cool qui se retrouvent à table", explique un élu (qui précise immédiatement que non, "l'oncle facho" ne désigne pas Laurent Wauquiez). "Mais nos points communs sont plus nombreux que nos désaccords." Lui veut croire que s'il emporte la présidence du parti sur une ligne dure, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes saura ensuite rassembler.
D'ailleurs, Laurent Wauquiez lui-même multiplie les signes d'apaisement. "Il ne faut pas avoir peur du débat", dit-il au Figaro. "À une époque, dans notre famille politique, on avait des personnalités aussi différentes que Philippe Seguin, Charles Pasqua, Alain Madelin." S'il est élu président de LR, l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur assure qu'il mettra "à nouveau autour de la table des gens qui aujourd'hui ne se parlent plus". "Je veillerai à ce que chacun puisse trouver sa place", promet-il. Et si cette attitude moins belliqueuse ne convainc pas, Laurent Wauquiez pourra toujours compter sur la résignation pour maîtriser ses troupes. En l'absence d'autre figure de proue, sa famille sera bien obligée de lui faire confiance.