Deux signatures. Il a manqué deux signatures à l’aile gauche du PS, au Front de Gauche et aux écologistes pour déposer mercredi une motion de censure à l’encontre du gouvernement et créer une première dans l’histoire de la Ve République : la tentative de renversement d’un gouvernement par une partie de la majorité dont il est issu. "Une ligne rouge" avait averti mercredi sur LCI Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée, indiquant qu’une exclusion du groupe et du parti serait "la conséquence" si les frondeurs parvenaient à déposer leur propre motion.
Risque de scission. Au lendemain de leur échec, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, a appelé sur Itélé à "clarifier" la situation des frondeurs, se "tournant vers ceux qui sont en responsabilité pour voir ce qu'il convient de faire". Il a refusé de se prononcer sur une éventuelle exclusion, renvoyant cette responsabilité au PS. En fin d'après-midi, le Premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis annonçait avoir saisi la Haute Autorité éthique du parti.
La question de la sanction est d’autant plus délicate pour le PS qu’envisager l'exclusion des 24 députés qui ont voulu déposer une motion de censure reviendrait à acter la scission des socialistes, et à courir le risque de la création d’un nouveau parti de gauche un an avant l’élection présidentielle. "Ce serait plutôt monstrueux, en effet", avait ironisé un peu plus tôt dans la journée le député de la Nièvre, et chef de file des frondeurs, Christian Paul auprès d’Europe 1.
" "Je ne vois pas sur quel fondement nous pourrions être sanctionnés" "
La position du parti. Aucune sanction pour non-respect de la position officielle du parti n’a été prononcée depuis 1998, rappelle Le Lab. Après le vote des frondeurs contre la loi Macron, en février 2015, le parti s’était contenté d’un simple rappel à l’ordre. "Je ne vois pas sur quel fondement nous pourrions être sanctionnés. La loi Travail n’était dans aucun programme en 2012, ni projet socialiste", soutenait Christian Paul en début de journée, rappelant que "le parti socialiste n’a pas voulu prendre de position sur le texte car très peu l’ont défendu lorsque la ministre du Travail est venue au Conseil national". Corinne Narassiguin, porte-parole du PS, expliquait de son côté que le parti avait refusé de s'exprimer par un vote pour ne pas donner l’impression de cadenasser un texte que devait encore venir enrichir le débat parlementaire, "mais la ligne majoritaire était très claire".
Du côté des statuts du parti, l'article 5.4.3 sur les parlementaires stipule que ceux-ci "doivent respecter la règle de l’unité de vote de leur groupe", risquant dans le cas inverse, selon l'article 4.4.2.3, les sanctions suivantes : "l'avertissement, le blâme, la suspension temporaire, l'exclusion temporaire ou définitive". Cependant, rien n'évoque explicitement le dépôt ou la tentative de dépôt d’une motion de censure.
Corinne Narassiguin a confié également "l'agacement" du Premier secrétaire face à l’attitude des frondeurs. "Ils ne peuvent plus dire que c’est par rapport au texte, on est allé tellement loin dans les concessions", a relevé la porte-parole, dénonçant "un acte de déloyauté envers le collectif". Elle a expliqué, quelques heures avant l'annonce de Jean-Christophe Cambadélis, que face à une situation inédite, il était probable que le sort des députés frondeurs se règle par une discussion collective, au niveau des instances dirigeantes, certainement lors du prochain Bureau national le 23 mai. La possibilité d’une exclusion "y sera forcément évoquée, ne serait-ce que pour l’évacuer", relevait encore la responsable, pointant aussi le danger d’une scission "quand pour 2017 on veut rassembler le plus largement possible."
Les Législatives. Si l’exclusion définitive paraît donc peu probable, ce sont les investitures pour les législatives qui pourraient servir de sanction. En effet, les places ont commencé à se négocier, et d’autant plus chèrement que toutes les estimations annoncent la gauche perdante à la présidentielle. "L’enjeu est là, a avoué Corinne Narassiguin, les personnes qui demandent leur réinvestiture doivent porter le projet du PS, il faudra donc poser la question de leur cohérence politique". "Invitons plutôt au tribunal de l’histoire ceux qui font des virages programmatiques", a rétorqué de son côté Christian Paul à l’adresse du gouvernement de Manuel Valls. "Moi, je suis très à l’aise avec mon parti !"