Après plusieurs heures de débats nourris sur cette réforme qui hérisse le patronat et le camp macroniste, la chambre haute, dominée par la droite et les centristes, a adopté un dispositif intermédiaire par rapport à la proposition du gouvernement, qui visait initialement une rentrée de quatre milliards d'euros pour financer la Sécu.
La mesure, déjà adoptée ces derniers jours en commission, entend "préserver l'emploi" pour les salaires autour du Smic, pour lesquels les allègements de cotisations patronales resteraient inchangés. Et propose en contrepartie un effort supérieur sur les plus hauts salaires, tout particulièrement sur l'année 2026.
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Levée de boucliers…
Pour les salaires situés entre 1 et 1,3 Smic, le gouvernement souhaitait initialement remonter les cotisations patronales, de deux points de pourcentage en 2025 et de deux autres points en 2026. Mais la mesure -susceptible de détruire "des centaines de milliers d'emplois" selon le Medef et 50.000 selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)- a suscité une levée de boucliers au sein même du camp gouvernemental.
Le dispositif avait d'ailleurs été supprimé à l'Assemblée nationale, mais les débats n'avaient pas pu aller à leur terme avant la transmission du texte au Sénat. La ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a jugé "extrêmement intéressante" la proposition de la majorité sénatoriale pour 2025, estimant qu'elle permettrait de "limiter les effets de bord voire les neutraliser en ce qui concerne les bas salaires". Elle a néanmoins été défavorable à la proposition du Sénat pour l'année 2026, jugeant l'effort trop brutal pour les entreprises.
Les modalités définitives de cette mesure inflammable dépendront néanmoins des discussions à venir lors d'une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs, prévue le 27 novembre selon plusieurs sources parlementaires, pour aboutir à un compromis.
… Et bras de fer
Ces échanges s'annoncent très incertains, en raison du bras de fer engagé par les députés Renaissance avec le gouvernement de Michel Barnier. Le gouvernement a déjà lâché du lest ces derniers jours en se disant prêt à diviser par deux les efforts demandés aux entreprises, mais il n'a pas proposé de mesure en ce sens lors des débats au Sénat.
Le Sénat, lui, n'est pas allé aussi loin : "Il faut casser la dynamique" d'augmentation des allègements de charge, qui tutoient aujourd'hui les 80 milliards d'euros, a insisté la rapporteure générale centriste Élisabeth Doineau. "On ne peut pas continuer comme ça."
"L'emploi ne peut pas être une variable d'ajustement budgétaire"
Les quelques parlementaires Renaissance élus au Sénat ont tenté en vain d'obtenir la suppression totale de la mesure : "L'emploi ne peut pas être une variable d'ajustement budgétaire", a lancé le sénateur Xavier Iacovelli. Mais seule une trentaine d'élus l'ont suivi, avec une discipline assez remarquable dans les rangs de la droite, où de nombreux amendements de suppression ont finalement été retirés au nom de la "responsabilité collective" prônée par le président LR de la commission des Affaires sociales Philippe Mouiller.
La gauche n'a pas eu plus de succès dans ses tentatives d'accentuer l'effort demandé aux entreprises. Le Sénat a également adopté, avec le soutien du gouvernement, une diminution des allègements concédés aux entreprises sur les "actions gratuites", c'est-à-dire le fait pour un employeur de distribuer des actions gratuitement à des salariés ou dirigeants pour les fidéliser. Le dispositif est censé rapporter 4 à 500 millions d'euros.