C'est un duo qui rappelle celui formé, entre 1986 et 1988, par Charles Pasqua et Robert Pandraud. L'un politique, l'autre expert dans son domaine. Christophe Castaner et Laurent Nuñez ont collectivement succédé à Gérard Collomb mardi le premier en tant que ministre, le second secrétaire d'État. Si l'attelage peut paraître curieux au premier abord, c'est la complémentarité des profils qui a convaincu Emmanuel Macron. L'un est politique, issu de la gauche, macroniste de la première heure, tandis que l'autre, ancien préfet de police à Marseille, passé à la tête de la DGSI, doit apporter des compétences plus techniques et sécuritaires.
L'ascension de Castaner. En nommant Christophe Castaner, Emmanuel Macron a choisi l'un de ses plus proches, qui a pris du poids politique depuis le début du quinquennat. De porte-parole, "Casta" est devenu secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement. Un poste difficile, qui nécessite de faire le lien entre la majorité parlementaire et l'exécutif, et dans lequel le natif des Alpes-de-Haute-Provence s'est d'autant plus illustré que le chef du groupe LREM à l'Assemblée, Richard Ferrand, était aux abonnés absents en début de législature. Il était alors "le liant", se souvient un pilier de la majorité, celui qui "assurait plus la cohésion du groupe que le chef de groupe". Un ministre régalien qui connaît et s'entend bien avec les députés, c'est toujours un avantage.
Dr politique et Mr technicien. Mais, pour certains, Christophe Castaner n'a pas l'épaisseur suffisante. L'ancien maire de Forcalquier n'a jamais dirigé de grande ville, ne dispose pas d'importants réseaux au sein des hauts fonctionnaires, notamment des préfets. À tort ou à raison, son image est plus celle du "mec sympa" que de l'autoritaire et, s'il a une dimension politique, il lui manque l'aspect "technicien". C'est là que la nomination conjointe de Laurent Nuñez vient rééquilibrer l'ensemble. Cet énarque, ancien préfet de police des Bouches-du-Rhône, a l'expérience, mais aussi les contacts au sein de la haute administration et de la police qui manquent à "Casta".
Une voix sur l'antiterrorisme. Laurent Nuñez a eu le temps de s'illustrer sur des terrains difficiles. Avant Marseille, il avait été nommé sous-préfet dans le Pays basque, puis était reparti à Paris pour devenir directeur de cabinet du préfet de police, poste qu'il occupait en janvier 2015, lors de l'attaque de Charlie Hebdo. Bernard Boucaut, alors numéro un de la préfecture de police de Paris, se souvient dans le JDD du "sens de l'organisation et du management" de son bras droit, mais aussi de "son intelligence des situations".
Depuis un an, Laurent Nuñez a ajouté une corde à son arc : celle de l'antiterrorisme. En juin 2017, Emmanuel Macron l'avait nommé à la tête de la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI). Aujourd'hui, son profil correspond assez bien à ce que l'Élysée recherchait pour remplacer Gérard Collomb : un "Blanquer de la Sécurité".