Le camp présidentiel a réussi à détricoter mercredi en commission une proposition de loi tentant d'abroger la retraite à 64 ans, face à des oppositions qui dénoncent des "magouilles" pour empêcher un vote le 8 juin dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. La majorité a ainsi remporté une victoire d'étape, avant l'arrivée en séance la semaine prochaine du texte, qui maintient la flamme des opposants à la réforme contestée, promulguée mi-avril.
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Une suppression de l'article-clé votée de justesse
Les députés ont voté de justesse, par 38 voix contre 34, la suppression de l'article-clé de cette proposition de loi du groupe indépendant Liot. La plupart des élus LR ont joint leurs voix à celles de la majorité lors de débats aux allures de bataille rangée. Les députés de la coalition de gauche Nupes ont fini par claquer la porte de la commission des Affaires sociales pour critiquer des "manœuvres". La cheffe du groupe LFI Mathilde Panot a réclamé une "pression populaire maximale le 6 juin", lors de la journée de mobilisation organisée par les syndicats.
Après le détricotage du texte, la Nupes avait tenté une contre-attaque en commission à coups de milliers d'amendements. L'objectif ? Empêcher les débats d'aller à leur terme, pour que la version initiale de la proposition soit discutée le 8 juin, et non sa version torpillée. Une "obstruction flagrante" au yeux de la présidente de la commission Fadila Khattabi (Renaissance), qui a décidé de les écarter. Elle a ensuite fait approuver sa décision par le bureau de la commission, malgré de vives protestations de la gauche.
Des "manœuvres" qui "n'honorent ni notre démocratie, ni nos principes républicains"
"Notre droit constitutionnel de dépôt d'amendements a été bafoué", a dénoncé le socialiste Arthur Delaporte. "Les manœuvres de la Macronie et des députés LR en commission des Affaires sociales pour empêcher les députés de voter le 8 juin prochain l'abrogation" de la réforme "n'honorent ni notre démocratie, ni nos principes républicains", avait réagi plus tôt la présidente des députés RN, Marine Le Pen. Ainsi détricoté, le texte a été adopté en commission.
Cette nouvelle bataille autour de la réforme des retraites avait démarré dans une ambiance survoltée le matin dans la salle bondée de la commission, que les journalistes ont été contraints de quitter. À l'initiative de cette proposition de loi, le rapporteur Charles de Courson (groupe indépendant Liot) a revendiqué une "occasion de sortir par le haut" de la contestation de la réforme des retraites. Le centriste a réclamé d'explorer de nouvelles "pistes" de financement comme "une contribution plus élevée des revenus du patrimoine".
La cheffe de file Renaissance Aurore Bergé a ironisé sur le changement de pied de Charles de Courson, vieux routier de l'Assemblée, qui a longtemps joué selon elle le rôle de "Don Quichotte de nos finances publiques". Il s'est mué en "Che Guevara de la Marne", a raillé Alexandre Vincendet (LR). La proposition de loi de Liot a de très faibles chances d'aboutir au plan législatif, mais elle continue à fédérer les opposants à la réforme. Et elle embarrasse l'exécutif, inquiet de l'impact politique d'une éventuelle abrogation des 64 ans par l'Assemblée, quelques semaines à peine après la promulgation de cette réforme très contestée.
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Un texte qui sera "censuré par le Conseil constitutionnel", avance Borne
Élisabeth Borne a accusé les oppositions de mentir aux Français "en portant, avec la plus grande démagogie, un texte dont chacun sait ici, pertinemment, qu'il serait censuré par le Conseil constitutionnel". Les députés de la majorité martèlent que ce texte ne devrait pas être examiné, parce qu'il déroge à l'article 40 de la Constitution, qui dispose qu'une proposition de loi ne doit pas créer de charge publique. Ils qualifient d'"atteinte grave" aux institutions la décision du président de la Commission des Finances, Éric Coquerel (LFI), de déclarer la proposition de loi "recevable", alors qu'elle coûterait plus de 15 milliards d'euros selon l'exécutif.
Après la suppression de l'article d'abrogation des 64 ans en commission, le camp présidentiel compte désormais brandir à nouveau l'argument massue de l'article 40 en amont du 8 juin. Son scénario privilégié est que Liot réintroduise sa mesure phare par un amendement. Et que la présidente de l'Assemblée nationale brandisse à ce moment-là le couperet de la recevabilité financière, empêchant ainsi un vote dans l'hémicycle. "Je prendrai mes responsabilités", a assuré mardi Yaël Braun-Pivet, membre de Renaissance, après avoir été critiquée dans son propre camp pour ne pas avoir fait barrage au texte plus tôt.